Lindsay Lohan, les pédés et les réfugiés
Destination de référence pour homos branchés, porte d’entrée de l’Europe pour les réfugié·e·s, la réputation de la Grèce n’est pas à faire. Or en Grèce, il y a les gays et il y a les gays.
Selfie à la Lohan Beach House, Mykonos
Certain·e·s arrivent en avion des capitales d’Europe pour une centaine d’euros. Les plus riches s’offriront le luxe d’une croisière homo, premier prix 1500 euros. Pour les réfugié·e·s, ce sera ce même prix pour rejoindre les îles grecques depuis la Turquie dans une embarcation de fortune, confort ou gastronomie en moins et risque de noyade en sus. La Méditerranée étant agitée en hiver, les passeurs organisent des « soldes » selon le HCR.
Un voyage ça se prépare! Pour les uns, il sera conseillé de soigner musculature et bronzage, de prévoir réserve de PrEP et maillots échancrés. Pour les autres, gilet de sauvetage et cash seront incontournables.
Les un·e·s et les autres…
Si vous parvenez à destination, « bienvenue dans un des pays les plus gay-friendly d’Europe ». Mais pour qui? Si Mykonos est un camp de vacances pour homos, le camp de réfugiés de Moria sur l’île de Lesbos et les « camps d’urgence » près de Thessalonique ne sont guère gay-friendly.
Mykonos est convoitée des homos. Loin des problèmes liés à la migration, les vacanciers gays ont peu de chance de tomber sur un réfugié LGBT* mal nourri et précaire en faisant leur yoga sur la plage. Possible pourtant qu’ils se rencontrent à Athènes où certain·e·s réfugié·e·s LGBT* sont à la rue, contraint·e·s de se prostituer.
Sur l’île paradisiaque l’actrice et chanteuse US Lindsay Lohan a ouvert un business ciblant les homos, la Lohan Beach House. La jeune femme a ainsi été propulsée ambassadrice de la fête gay par une vidéo où elle fait quelques pas de danse sur la scène de son club. Résultat, des centaines de milliers de vues, bien plus que tous les documentaires sur les camps de réfugié·e·s grecs.
Une solidarité indispensable
Pour Lohan, Mykonos c’est « là où la mer la libère ». Pour Ali, réfugié kurde dans le camp de Moria cette même mer l’a « trahi » en l’emmenant en Grèce. « Etre arabe, musulman et trans* dans une société orthodoxe patriarcale c’est compliqué » explique Marc Baumgartner, membre d’Eclipse, groupe de soutien pour les réfugié·e·s LGBT* à Thessalonique. Pour ces réfugié·e·s doublement discriminés et en situation de précarité, il n’y a pas de structures adaptées. Eclipse vise donc à créer un espace sûr où les réfugié·e·s LGBT* peuvent tisser des liens entre eux et avec la communauté LGBT* locale.
Soumis à des persécutions importantes dans les camps ou dans la rue, la situation de jeunes réfugié·e·s LGBT* est alarmante. En Grèce, il y a gays et gays. Visibles et invisibles. Ceux dont on aimerait attirer l’attention et ceux qu’on n’ose pas regarder dans les yeux. Ceux dont on parle et dont on ne veut plus parler. Ceux qui s’en sortent et ceux qui pensaient s’en sortir. Ceux qui vivent et ceux qu’on laisse mourir.
Quentin Markarian
Version abrégée d’un article paru dans le magazine 360° que nous remercions.