Lausanne, quartiers d'inégalité
La politique des quartiers de la ville de Lausanne érode leur capacité d’auto-organisation et les met en concurrence directe dans l’accès aux fonds de développement de projets. Elle renforce ainsi les inégalités existantes.
Photo: IMBiblio
Avec l’aval de la ville de Lausanne, gouvernée par une large majorité PS-Vert, la Direction de l’enfance, jeunesse et des quartiers impose depuis plusieures années des mesures qui visent à soumettre la gestion des quartiers à des critères d’évaluation et des objectifs universels pour toute la ville.
Centralisation = exclusion
Pour professionnaliser, harmoniser et mieux contrôler la gestion des quartiers, la ville a créé des nouveaux postes au sein de son administration. Les associations et collectifs citoyens présents dans les quartiers doivent donc s’inscrire dans cette stratégie pour pouvoir accéder à des ressources.
Ceci pose deux problèmes. D’une part, les quartiers sont privés de la possibilité de fixer leurs propres objectifs, en fonction de la réalité de terrain. D’autre part, cette professionnalisation de la gestion des quartiers favorise les acteurs et actrices des quartiers qui disposent d’un capital social et culturel qui leur permet d’aisément négocier avec l’administration, et porte préjudice à celles et ceux qui opèrent largement à la marge de la politique institutionnelle. Les inégalités au sein et entre les quartiers sont donc renforcées, tout comme l’exclusion et la marginalisation des couches de la population qui peinent déjà à faire entendre leurs voix.
Le budget participatif s’inscrit dans la même logique. Sa portée est limitée à des projets à court terme (max. 3 ans) et avec un budget limité. Il exclut ainsi toute réflexion sur des priorités générales et de long terme. Au lieu de favoriser l’auto-organisation des habitant·e·s et autres intéressé·e·s autour de questions importantes, il monte les différents groupes sociaux et quartiers les uns contre les autres, en les mettant en compétition directe dans l’accès aux ressources.
Vers une politique des quartiers inclusive et émancipatrice
La ville doit créer des conditions qui permettent aux quartiers de développer et mettre en œuvre des visions à long terme qui tiennent compte des différents besoins en présence. Ceci implique d’un côté qu’elle les encourage à fixer des stratégies pour tous les domaines qui les concernent, y compris l’éducation, le logement, la gestion de l’espace public et le trafic. De l’autre côté, la ville doit soutenir les associations existantes dans leur travail, et faciliter la création de collectifs concernant des segments de population qui ne sont pas encore organisés. Cela permettra à des processus d’auto-organisation ancrés dans la réalité locale de voir le jour et de se consolider.
Franziska Meinherz