La Chine n'est plus un tigre en papier
L’ascension de la Chine comme puissance mondiale est le résultat d’une combinaison de facteurs depuis la réorientation de sa production vers le capitalisme mondial dans les années 1980.

Extraits d’une interview de Loong Yu, membre du comité éditorial du China Labour et du Globalization monitor basés à Hong Kong.
« Je ne pense pas qu’il soit faux de dire que la Chine fait partie du néolibéralisme mondial, surtout quand on voit la Chine avancer en clamant qu’elle est prête à remplacer les États-Unis en tant que gardien de la mondialisation libre-échangiste.
Mais dire que la Chine fait partie du capitalisme néolibéral ne donne pas une vue d’ensemble. C’est un État capitaliste distinct et une puissance expansionniste, qui n’est pas disposée à être un partenaire de second ordre des États-Unis. La Chine est donc une composante du néolibéralisme mondial tout en se distinguant en tant que puissance capitaliste d’État. Cette combinaison particulière signifie qu’elle bénéficie à la fois de l’ordre néolibéral et qu’elle représente un défi pour lui ainsi que pour l’État étatsunien qui le contrôle. […]
L’État chinois est toujours derrière ces sociétés, même celles qui sont apparemment privées. En Chine, une entreprise même véritablement privée doit se plier aux exigences de l’État. L’État chinois a utilisé cet investissement privé pour développer ses propres capacités, étatique et privée, afin de pouvoir défier les capitaux américains, japonais et européens. […]
Nous devons contrer le mensonge utilisé par la droite américaine selon lequel les travailleurs·euses chinois·es ont volé les emplois des travailleurs·euses étatsunien·ne·s. Ce n’est pas vrai. Les gens qui ont vraiment le pouvoir de décider ne sont pas les travailleurs·euses chinois·e·s mais le capital américain, tel Apple, qui choisit de faire assembler ses téléphones en Chine. Les travailleurs·euses chinois·es n’ont absolument rien à dire de telles décisions. En fait, ce sont des victimes, pas ceux qui pourraient être blâmés pour les pertes d’emplois aux États-Unis.
Comme je l’ai dit, c’est Clinton, et non pas les dirigeant·e·s ou travailleurs·euses chinois·es, qui était responsable de de l’exportation de ces emplois. C’est le gouvernement Clinton qui, après Tian’anmen, a travaillé avec le régime meurtrier de la Chine pour permettre aux grandes entreprises étatsuniennes d’investir en Chine à une échelle aussi massive. Et lorsque des emplois ont été perdus aux États-Unis, ceux qui sont apparus en Chine n’étaient en fait pas du tout les mêmes. Les emplois étatsuniens perdus dans les secteurs de l’automobile et de l’acier étaient syndiqués et bien rémunérés, mais ceux créés en Chine ne sont rien d’autre que des emplois misérables. Quels que soient leurs conflits actuels, les dirigeant·e·s des États-Unis et de la Chine, et non les travailleurs·euses des deux pays, ont mis en place l’actuel ordre mondial néolibéral maudit.»
Extraits d’une interview publiée en avril 2019 dans le numéro 662–663 de la revue Inprecor