Un chien est-il plus gourmand en énergie qu'un Land Cruiser?

Les défenseurs·euses de l’automobile et de ses modèles les plus gourmands en hydrocarbures ont recours à des arguments décoiffants. Par exemple, l’empreinte carbone d’un chien serait supérieure à celle d’un SUV. Tout cela est évidemment absurde.

Rex
Rex, bombe climatique ?

En 2008, deux architectes canadien·ne·s, Brenda et Robert Vale, ont défrayé la chronique en affirmant que l’empreinte carbone d’un chien serait deux fois supérieure à celle d’un Land Cruiser. Ils·elles ont défendu cette thèse dans un livre, dont les résultats ont été repris par un journal de vulgarisation scientifique, adepte de sensationnalisme, le New Scientist. L’année suivante, celui-ci titrait: « Darwin avait tort », conduisant des biologistes à appeler à son boycott…

Un calcul foireux

Quelles sont les bases de ce calcul: un chien de taille moyenne, pesant 20 kg, consomme 600 grammes d’aliments carnés par jour. Il faudrait 0,84 hectare pour produire sa nourriture annuelle. Or, la consommation d’énergie d’un SUV qui parcourt
10 000 km par an (énergie grise comprise) serait de 55,1 gigajoules, nécessitant 0,34 hectare. Pourtant, selon l’association française des producteurs d’oléagineux, la culture de colza permettant de produire 55,1 gigajoules de biodiesel exige 3,2 hectares. Nos auteurs se trompent donc d’un facteur 10!

Par ailleurs, cette comparaison n’est pas très sérieuse, parce que les véhicules à moteur sont mus pour l’essentiel par des combustibles fossiles, qui libèrent dans l’atmosphère du CO2 jusqu’ici enfoui dans le sol, alors que l’alimentation nécessaire à la production de viande pour chien découle de l’élevage.

Une erreur de méthode

Nous avons vu que cette analogie recèle une grossière erreur de calcul et qu’elle assimile des empreintes carbones de natures différentes. Mais elle commet une erreur méthodologique plus sérieuse. En effet, l’alimentation pour chiens et chats est fabriquée à partir des déchets des abattoirs, que l’on appelle « les sous-produits animaux », qui représentent environ la moitié du poids des bêtes de boucherie.

Ainsi, lorsque la population du canton de Genève mange 130 grammes de viande par jour, soit 65 tonnes pour un demi-million d’habitant·e·s, elle « produit » 65 tonnes de « sous-produits animaux » non consommés. De leur côté, ses 30 000 chiens absorbent 18 tonnes d’aliments carnés, un volume qu’il faut doubler si l’on tient compte des chats (trois fois plus nombreux, mais qui mangent trois fois moins).

Les chiens et les chats recyclent donc 55% des déchets de nos abattoirs, que l’on évite ainsi d’incinérer, sans nécessiter un seul hectare supplémentaire. Mieux, la consommation humaine de viande pourrait être réduite de moitié, une excellente chose à tous points de vue, réduisant effectivement notre empreinte carbone et celle de nos animaux de compagnie.

Jean Batou