À Hong-Kong, le mouvement de masse continue

L’impressionnant mouvement de contestation débuté au printemps dernier à Hong-Kong continue de secouer cette région administrative spéciale (autonome) de Chine. Il fait trembler Pékin et la classe dominante hongkongaise, acquise au pouvoir chinois.

Incedo
Photo: Studio Incendo

Les premières manifestations s’opposaient à un projet de loi permettant l’extradition en Chine continentale de personnes présentes sur le territoire de Hong Kong. Le mouvement a rapidement revêtu un caractère massif. Le 16 juin, après un premier recul du gouvernement annonçant que le projet de loi était suspendu (mais non annulé), deux millions de manifestant·e·s ont défilé – pour une population totale de sept millions de personnes. Depuis, les manifestations sont restées massives.

En juillet, le mouvement s’est doté de cinq revendications: le retrait complet du projet de loi d’extradition ; la création d’une commission d’enquête indépendante sur les agissements de la police depuis le début du mouvement ; l’arrêt de la qualification des manifestations en « émeutes » ; l’amnistie pour les manifestant·e·s arrêté·e·s ; enfin, une cinquième revendication témoigne de l’élargissement du mouvement à d’autres questions démocratiques – il s’agit de l’instauration du suffrage universel, là où Pékin garde actuellement le contrôle sur la composition des institutions politiques de Hong Kong.

Ces revendications restent modérées, et jusque-là le mouvement ne s’est pas saisi directement de la question sociale. Cela s’explique en partie par la faiblesse historique du mouvement ouvrier hongkongais, dans un territoire qui était une colonie britannique avant d’être conçu comme un tremplin pour la financiarisation du capitalisme chinois (sans concentration industrielle forte) et où le régime autoritaire de Pékin détient le monopole de la rhétorique soi-disant «socialiste». Cependant les étudiant·e·s, qui sont à la pointe de la contestation, cherchent à créer des liens avec le monde du travail, et ont réussi à s’allier avec les syndicats pour organiser une grève historique le 5 août, paralysant une grande partie de Hong Kong. Les manifestant·e·s font preuve d’une grande inventivité pour bloquer l’activité économique et faire face à la répression féroce de l’exécutif hongkongais.

Si la lutte pour la démocratie à Hong Kong débouchait sur une victoire, celle-ci constituerait un coup important porté au régime chinois. Il pourrait servir de point d’appui pour les travailleurs, travailleuses et étudiant·e·s de Chine continentale qui luttent (autant que possible dans une société verrouillée par l’autoritarisme) pour leurs conditions matérielles d’existence et pour la démocratie. Les destins des populations de Hong Kong et de Chine continentale sont liés.

Nathan Legrand

Le choix de la confrontation

Le blocage d’un tunnel central reliant la péninsule de Kowloon à l’île de Hong Kong a fourni à la police un prétexte pour faire monter le niveau de répression contre la contestation. Le siège de l’université polytechnique et la confrontation avec les étudiant·e·s montrent un nouveau degré de la polarisation politique.

La position du gouvernement continue d’être remise en question par des manifestations de la jeunesse, qui n’est pas satisfaite des maigres concessions des autorités. La brutalité de la police n’est toujours pas reconnue par le gouvernement, les déclarations incriminent uniquement la violence de l’opposition. Or même les rassemblements pacifiques sont violemment réprimés. Les autorités ont fait le choix de la confrontation afin d’augmenter la répression et tenter de réduire les forces qui manifestent.

Cerné·e·s depuis plusieurs jours dans l’université poly-technique qu’ils·elles avaient décidé d’occuper, les étudiant·e·s organisent leur défense et la résistance. Des actions de solidarité se déroulent à l’extérieur. Pour l’instant, la détermination des forces d’opposition se maintient. Une extension de leurs actions semble probable. Les élections du 24 novembre apparaissent compromises et ne constituent plus une issue de sortie de la crise.

Pour la Chine, « Hong-Kong doit être intransigeant dans la répression de l’illégalité » (China Daily, 18.11.2019). Avec une issue inconnue, et le risque d’embrasement à Hong-Kong mais aussi dans les zones frontalières? Des zones qui sont vitales pour beaucoup de secteurs industriels, aujourd’hui fragilisés par la guerre commerciale avec les États-Unis et par une croissance réduite.

José Sanchez