« Ni États-Unis, ni Iran ! »

Le 3 janvier, sur ordre de Donald Trump et sans autorisation du Congrès, des frappes aériennes états-uniennes ont pris pour cible un convoi près de l’aéroport de Bagdad en Irak tuant Qassem Soleimani, le commandant des Pasdaran (Corps des gardiens de la révolution). Celui-ci prenait ses ordres directement du Guide Suprême iranien Ali Khamenei. Le raid a également tué Abu Mahdi al-Mohandis, haut commandant de la milice irakienne Kataib Hezbollah, et au moins six autres personnes.

Manifestation en Irak
Manifestation à Bagdad, Irak, le 5 janvier 2020
Ali Dab Dab

Cette attaque fait suite à une montée des tensions entre l’Iran et les États-Unis ces derniers mois, qui se matérialise en particulier en Irak. 5300 soldat·e·s états-unien·ne·s se trouvent actuellement en Irak, tandis que 3000 sont en route vers le Moyen-Orient. Au total, 14 000 soldat·e·s ont été envoyés par Washington dans la région depuis mai 2019. À la suite de l’assassinat de Soleimani, Donald Trump a menacé de bombarder « très durement » 52 sites iraniens si Téhéran tentait d’attaquer des soldats ou des ressortissants états-uniens en représailles. 

De nombreuses personnalités politiques en Irak ont dénoncé cette violation de la souveraineté du pays. Le parlement irakien a par ailleurs voté une résolution demandant le départ de toutes les troupes armées de la coalition internationale luttant contre l’État islamique.  

La joie exprimée par certain·e·s à l’annonce de la mort du criminel réactionnaire Qassem Soleimani est compréhensible, étant donné son rôle dans l’expansion régionale de l’influence de l’Iran et dans la répression des classes populaires révolutionnaires en Iran, en Syrie et en Irak. 

Cependant, son assassinat ne découle en rien d’une volonté de Washington de faire avancer les soulèvements populaires en Irak et dans la région. Au contraire, cette action impérialiste pourrait faire dérailler le soulèvement populaire en Irak. La menace n’est pas tant que le mouvement de contestation irakien se concentre sur l’opposition aux États-Unis ; il s’est jusqu’à présent clairement opposé à toutes les influences étrangères, et de récentes manifestations à Bagdad et dans d’autres villes du pays ont d’ailleurs répété le slogan « Ni États-Unis, ni Iran ! ». Cependant, il pourrait être submergé par un autre mouvement contrôlé et organisé par des milices pro-iraniennes, qui inscrirait le départ des États-unien·ne·s comme la seule exigence, sans contester le système néolibéral et confessionnel actuel. 

Les soulèvements populaires en Irak, en Iran et au Liban en souffriront, tandis que les dirigeants instrumentaliseront la crise avec les États-Unis dans leur effort pour rester au pouvoir. Les premières réactions des responsables irakiens et des personnalités politiques proches de l’Iran vont d’ailleurs dans ce sens.  

Face à ces développements, l’opposition aux ingérences continues de l’impérialisme états-unien et aux menaces de guerre contre l’Iran et l’Irak ne peut être efficace que si elle est enracinée dans la solidarité avec les forces progressistes et révolutionnaires du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, sans aucune concession envers les régimes autoritaires et les puissances régionales.

Joe Daher