Occupation du Grütli
Les mineurs non accompagnés exigent la dignité
Depuis le 13 janvier, le collectif lutte des MNA (mineur·e·s et jeunes majeur·e·s non-accompagné·e·s), soutenu par de nombreux collectifs, partis et la Ville de Genève, occupe le Grütli pour exiger des conditions de vie digne.
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Ce sont entre 20 et 30 jeunes qui dorment chaque nuit dans cette ancienne maison pour mauvais garçons transformée en haut lieu de la culture, avec le soutien et l’appui logistique de nombreux·euses militant·e·s qui fournissent le matériel, la nourriture, aident à la préparation des repas… Une autogestion, pas toujours simple, qui s’est mise en place dès l’entrée dans le bâtiment, une fois énoncée la décision d’occuper les lieux jusqu’à obtenir des conditions de vie dignes pour les MNA.
Le personnel du Grütli et la Ville de Genève, ainsi que les festivalier·ère·s du Black Movie, se sont montrés accueillant·e·s envers ces jeunes en lutte, dont plusieurs avaient pour seule alternative de dormir dehors.
Des conditions de vie indécentes
À Genève, cela fait plusieurs années que le Service social de la Ville et les associations tentent d’alerter sur la situation des jeunes MNA, quel que soit leur statut de résidence sur le territoire suisse.
Depuis le suicide d’Ali Reza au Foyer de l’Étoile, des mobilisations ont vu le jour pour dénoncer la situation de ces jeunes. Si l’encadrement, les conditions de logement et de vie des requérant·e·s d’asile MNA sont défaillantes, elles sont aussi terribles pour les MNA hors du système de l’asile. Ces dernier·ère·s sont des jeunes, principalement originaires du Maghreb, qui fuient des vies sans avenir et connaissent souvent avec un présent maltraitant. Des mineur·e·s dont la Conseillère d’État socialiste en charge de la Protection de l’enfance dit qu’ils n’ont pas « d’avenir en Suisse »…
Après avoir bataillé pour prouver leur minorité – car d’office présumé·e·s majeur·e·s – les MNA se voient attribuer des curateurs·trices du SPMi (service de protection des mineurs) qui deviennent leurs représentant·e·s légaux·ales. Trop souvent, ce sont des lieux de vie inadaptés dans lesquels les MNA sont parqués (dans des hôtels sans aucun encadrement socioéducatif, à la merci des patrons des établissements et si quelque chose se passe mal, ni plus ni moins que laissés dans la rue), des scolarisations rares et des perspectives de commencer des formations inexistantes.
Revendiquer le droit de dormir au chaud
Le collectif lutte des MNA a rencontré la délégation aux migrations du Conseil d’État (CE) le 5 décembre dernier. Ce rendez-vous devait être suivi d’autres, que le collectif a attendu en vain. Cette attente ainsi que l’absence de mise en place de réelles mesures du CE pour aider la (sur)vie quotidienne des MNA ont conduit le collectif à agir. Le CE a dans un premier temps ignoré l’occupation avant de proposer une rencontre pour le … 4 février.
L’occupation se poursuit donc, jusqu’à ce que les revendications du collectif soient entendues. Parmi elles : que plus aucun·e jeune ne dorme à la rue ; l’ouverture de nouveaux foyers adaptés pour les MNA, ex-RMNA et jeunes majeur·e·s ; l’application de la présomption de minorité et une prise en charge en découlant ; la scolarisation pour tout·e·s les jeunes jusqu’à 18 ans ainsi qu’un accès à des formations professionnelles. Le collectif a aussi obtenu de la Ville de Genève qu’elle étudie la possibilité de créer une carte d’identité municipale. Ensemble à Gauche avait déposé des projets en ce sens au Conseil Municipal puis au Grand Conseil.
Application immédiate de la convention des Droits de l’Enfant
Cette occupation, comme l’ensemble des actions et réflexions collectives, permet de maintenir une pression nécessaire sur le canton qui n’a commencé que récemment à se préoccuper de ces mineur·e·s. Notamment parce que les structures d’accueil à bas seuil de la Ville et du secteur associatif ont décidé de ne plus accueillir les mineur·e·s après avoir tenté en vain pendant plusieurs années de faire prendre ses responsabilités au Conseil d’État.
Il reste aussi à obtenir de la Conseillère d’État en charge de la Protection des mineur·e·s un changement de discours. En effet, quand elle déclare que ces mineur·e·s n’ont pas d’avenir en Suisse, c’est un mensonge : la Convention internationale des droits de l’enfant prévoit que chaque situation d’enfant doit être évaluée de façon particulière et en fonction de cette évaluation, des prises en charge sur le territoire suisse peuvent être entamées. De plus, cela laisse entendre aux intervenant·e·s en protection de l’enfant du SPMi, déjà surchargé·e·s, qu’un travail avec ce public est inutile, et conduit à un manque d’investissement.
Alors sans hésitation, solidaritéS apporte son soutien à ce mouvement. Jusqu’à que ce qu’une vie digne soit permise à ces jeunes, la lutte continuera !
Aude Martenot