Les femmes se font une place dans les bulles

Cy, détail de la couverture du Vrai sexe de la vraie vie, tome 1

« 50 ans de Natacha : comment est née cette BD avant-gardiste du féminisme ? » titre le journal belge Moustique en février dernier. L’hôtesse de l’air fut, certes, l’une des premières héroïnes du 9e art, mais elle traversait jungle et désert en chemisier blanc échancré et talons hauts. N’en déplaise à ceux qui tenterait de se racheter une conscience féministe, Natacha a longtemps été une pin-up prévue pour satisfaire le lectorat masculin, bien plus qu’une figure émancipatrice à destination des petites filles. Dans cette veine de requalification post-#MeToo, Barbarella, autre héroïne peu vêtue, qui utilise ses mensurations affriolantes et sa libido comme armes diplomatiques, a également été présentée comme une militante féministe avant l’heure, sans que ce non-sens historique ne rencontre un franc succès.

Heureusement, pour qui veut lier le féminisme et bande dessinée, il existe un autre pan, plus inclusif et réjouissant. Ces dernières années, le neuvième 9e art se caractérise en effet par une production féministe créative et documentée, à mesure que s’accroît la part des autrices dans la profession, en particulier grâce aux productions sur internet qui a notamment vu émerger Mirion Malle, Emma ou encore Cy. De quelques pionnières des années 1970 (dont la regrettée Claire Bretécher), elles sont plus de 27 % aujourd’hui (« États généraux de la bande dessinée », 2016). Et, à en croire les statistiques dans les différentes écoles, ce chiffre est amené à progresser au cours des prochaines années.

Cependant, si l’on peut se féliciter de cette diversification des professionnel·le·s et de la production, le milieu reste frappé par un sexisme économique édifiant. Si 53 % des auteurs·trices ont un revenu inférieur au SMIC et que 36 % sont même en dessous du seuil de pauvreté, ces chiffres explosent si l’on ne prend en compte que les femmes. Celles-ci sont ainsi 67 % à déclarer toucher moins que le SMIC et 50 % se trouvent sous le seuil de pauvreté.

À l’heure où les conditions de vie des artistes sont plus précaires que jamais, espérons que la marche vers la parité se fera dans la bonne direction !


Gaëlle Kovaliv