Nouvelle procédure d’asile

Politique d'asile: un bilan catastrophique

Un an après sa mise en œuvre, les craintes exprimées par les opposant·e·s à la nouvelle procédure d’asile en Suisse se confirment : renvois accélérés, accès à la santé entravé et droits des migrant·e·s bafoués.

Manifestation contre la politique inhumaine de blocage des frontières par l’UE, Barcelone, 3 mars 2020

La nouvelle procédure d’asile est entrée en vigueur en mars 2019. Elle avait été acceptée en votation populaire en juin 2016, malgré une large campagne « pour la sauvegarde du droit d’asile ». La restructuration a pour but explicite d’accélérer les décisions concernant les demandes d’asile en réglant un maximum de situations dites « simples » en un minimum de jours (« procédure accélérée »). Les délais pour faire recours contre ces décisions ont ainsi été raccourcis de 30 à 7 jours ouvrables.

Bien qu’une assistance juridique gratuite soit garantie, l’obligation d’accélération rend cette assistance toute relative. À Genève, un requérant a déposé tout seul un recours en son nom, après que Caritas Suisse (organisation mandatée par la Confédération pour la représentation juridique des requérant·e·s) ait résilié son mandat, estimant le recours inutile. Le requérant a obtenu gain de cause.

Autre changement important : la procédure se déroule désormais au sein de centres fédéraux (CFA) durant les 140 premiers jours, rompant les liens entre exilé·e·s et la société civile et entravant l’accès à des institutions élémentaires, comme l’école. Au 141e jour, les personnes exilées sont attribuées aux cantons. L’objectif est bien entendu de régler tous les cas concernés par une procédure accélérée avant ce terme.

Des décisions bâclées

L’enjeu de cette nouvelle procédure est donc de déterminer un maximum de « procédures accélérées », ce qui revient à laisser l’appréciation de la situation individuelle des exilé·e·s aux fonctionnaires du Service d’État aux migrations (SEM). Conséquence: plus de 80 % des décisions sont en procédure accélérée, le reste étant transféré en procédure « étendue ».

Or, le Tribunal administratif fédéral (TAF) l’a démontré avec près de 50 arrêtés depuis le début de la restructuration de l’asile : les décisions du SEM présentent des lacunes, notamment en ce qui concerne l’état de santé des personnes requérantes. De plus, le TAF souligne que des procédures ont été traitées à tort de manière accélérée alors qu’elles auraient dû nécessiter davantage de temps. Et seule une petite partie des décisions rendues depuis un an est parvenue aux oreilles du TAF !

Le combat pour la santé

Démontrer que son état de santé physique ou mentale est un motif d’asile suffisant exige un minimum de temps et l’accès à des médecins spécialistes. Or, le temps manque dans les procédures accélérées et les requérant·e·s n’ont qu’un accès très limité à des médecins. Ces derniers sont tous sous mandat du SEM ! Pour transmettre des informations médicales, les médecins ne peuvent qu’envoyer un bref formulaire médical au·à la juriste, et si ce·cette dernier·ère souhaite un rapport plus détaillé, il·elle doit en faire la demande auprès… du SEM, encore et toujours. Celui-ci peut décider seul s’il souhaite, ou pas, transmettre ces infos.
Plus grave encore, l’accès à des médecins spécialistes, par exemple des pédiatres ou des psychiatres femmes, n’est pas prévu dans le « concept santé » du SEM. Pour les femmes exilées – qui ont toutes vécu des violences avant ou durant leur parcours migratoire – ne pas avoir de possibilité de rencontrer une femme psychiatre avec laquelle entrer dans un lien de confiance rend la possibilité d’exposer son motif d’asile très difficile, voire impossible.

Les arrêtés du TAF désavouant les décisions du SEM démontrent bien que cette « accélération » issue de la nouvelle loi sur l’asile n’est rien d’autre qu’un tour de vis supplémentaire à un cadre légal déjà bien trop restrictif. Le bilan après un an confirme ce que nous disions au moment de la campagne de votation : cette nouvelle législation est inacceptable et péjore encore les conditions d’asile en Suisse.


Aude Martenot

La lutte pour les MNA continue

Les négociations se poursuivent entre le Conseil d’État genevois et les collectifs. Malgré une implication nouvelle des services du canton, l’accompagnement des mineur·e·s reste problématique. Ainsi, le nouveau foyer pour MNA subit des tensions liées au vécu de ces jeunes et au nombre de places. L’État, malgré ses discours, a fait le choix de regrouper 20 jeunes, alors que les Assises avaient proposé des solutions de plusieurs foyers pour 10 mineur·e·s chacun. De plus, des jeunes sont toujours orientés par le Service de Protection des Mineurs vers les Sleep’in, lieux sans encadrement adapté. solidaritéS appuie la revendication des collectifs d’ouvrir deux autres foyers d’une dizaine de places maximum, avec une prise en charge adaptée, et soutient la manifestation du 14 mars prochain dont l’autorisation dépend des services sanitaires. Une condition presque ironique quand on sait que des mineur·e·s souffrant de la gale sont envoyés dans les structures collectives d’accueil à bas seuil.