Mexique

Mexique: Femmes unies contre le patriarcat

Le 9 février dernier, Ingrid Escamilla, 25 ans, a été assassinée par son conjoint. La publication d’une photo de son corps mutilé dans les médias a déclenché la colère de milliers de femmes dans les rues de Mexico. Elles appellent à une grève féministe le 9 mars !

Manifestation contre les féminicides, Mexico, février 2020

Dans un des pays les plus violents d’Amérique latine, 10 femmes meurent chaque jour sous les coups de leur conjoint et plus de 90 % des auteurs de ces féminicides restent impunis. De son côté, le gouvernement reste incapable d’apporter une réponse au problème de la violence contre les femmes. Révoltées par l’inaction des autorités, les femmes mexicaines ont décidé de passer à l’offensive et appellent à une grève nationale des femmes le 9 mars prochain, visant l’arrêt du travail productif, reproductif et de la consommation féminine.

L’appel à la grève au Mexique s’inscrit dans un long historique de luttes des mouvements féministes latino-américains contre les violences physiques, sexuelles et économiques que subissent les femmes sur le continent. Rappelons-nous du combat des femmes argentines pour le droit à un avortement légal, sûr et gratuit, de la mobilisation des femmes brésiliennes contre l’élection de Jair Bolsonaro ou encore de celle des femmes chiliennes contre les violences, qui a influencé les mouvements féministes à l’échelle internationale.

Contre une justice patriarcale

Ce qui unit les militantes, en Amérique latine comme ailleurs, c’est la conscience partagée que le machisme est profondément ancré, aussi bien dans les esprits que dans les institutions, et qu’il s’agit de le combattre à la racine. Que ce soit dans l’espace public ou le milieu judiciaire, la culture du viol est toujours banalisée. Les victimes se retrouvent remises en question ou soumises à des jugements relatifs à leur habillement, tandis que les agresseurs restent peu ou pas punis. En matière d’avortement, les promesses de légalisation sont loin d’être respectées. En attendant, l’avortement sûr reste réservé à celles qui ont les moyens de le financer. Quant aux plus précaires, elles sont nombreuses à décéder en ayant recours à des opérations clandestines dangereuses.

Mais la problématique des féminicides se pose aussi bien au Mexique qu’en Espagne, en France ou en Suisse, où toutes les deux semaines une femme est tuée par son (ex-)conjoint. C’est pourquoi le combat pour nos droits, nos libertés et la préservation de nos vies ne peut pas se limiter à l’échelle nationale. Il doit s’inscrire dans le contexte international de lutte contre un système patriarcal qui discrimine, exploite et tue les individus en fonction de leur sexe, leur orientation sexuelle, leur confession ou leur race. La lutte pour l’émancipation des femmes est une lutte pour l’émancipation de tou·te·s.

Mettre au centre la défense de la vie

Le combat contre les violences et les féminicides est un combat pour la défense de la vie des femmes. En ce sens, il doit être notre priorité centrale. Cette dernière est évidemment incompatible avec un système dans lequel les intérêts de quelques-un·es priment ceux de l’écrasante majorité de la population. Aujourd’hui, si nous voulons répondre efficacement à la problématique spécifique des féminicides, nous avons non seulement besoin de nous donner les moyens, y compris financiers, pour mettre en place des dispositifs technologiques, organisationnels et légaux, mais nous devons aussi entamer un travail de conscientisation du rôle joué par les femmes dans notre société, lutter pour la fin de l’hypersexualisation et de l’objectification de leurs corps et, plus généralement, pour la fin de toutes les oppressions.

Au même titre que le combat contre les féminicides, la lutte pour la survie de l’environnement ne peut être menée à bien dans un système écocidaire qui survit grâce à l’exploitation sans pitié des humains et des ressources naturelles. La capacité du mouvement féministe latino-­américain à se construire internationalement et à dépasser la question femme pour formuler d’autres revendications, comme les luttes écologistes des femmes indigènes d’Amazonie pour le droit à la terre, contre les dégâts causés par l’extraction minière, ou encore leur présence en première ligne des résistances contre les gouvernements autoritaires et les coups d’État, nous montre que les intérêts des femmes sont les intérêts de tous·te·s. C’est uniquement en construisant de tels mouvements par la base que nous pourrons arriver à une société juste et égalitaire.


Gabriella Lima