Loi sur l’égalité

Loi sur l'égalité salariale: une insulte de plus

L’année de la grève féministe a aussi été celle d’une révision de la LEg, soi-disant dans l’optique de progresser vers l’égalité salariale. Cette révision représente en réalité une offense totale ne prévoyant ni contrôles, ni sanctions.

Manifestation pour l’égalité salariale, Berne, septembre 2018

En 1981 était inscrit dans la Constitution fédérale le droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale. Puis, en 1995, la Loi sur l’égalité (LEg) entrait en vigueur. Force est de constater que l’égalité salariale est néanmoins toujours loin d’être atteinte à ce jour. La manifestation de septembre 2018 à Berne, avec plus de 20 000 personnes, ainsi que les mobilisations de masse de la grève féministe en 2019, sont venues le rappeler.

L’écart de la discrimination

Une enquête de 2016 de l’Office fédéral de la statistique (OFS) sur la structure des salaires a démontré qu’un écart salarial de 17,4 % subsiste entre les femmes et les hommes (18,9 % dans le privé, 16,8 % dans le public). Une part de cette différence est expliquée par des « facteurs objectifs », hypocritement considérés comme non-discriminatoires, tels que la formation, les années de service ou la position dans l’entreprise. Cependant, 40 % de cette différence reste complètement inexpliquée et relève de la pure discrimination.

La Confédération elle-même a évalué en 2006 que le droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale n’avait pas été appliqué. Après l’avoir vidée de sa substance, le Parlement a adopté en 2018 une révision considérablement affaiblie de la LEg, qui prendra effet le 1er juillet 2020. Il faut noter qu’une clause prévoit de plus que ces nouveaux articles cesseront automatiquement de s’appliquer douze ans après leur entrée en vigueur. Cette révision ne constitue ainsi qu’une pseudo-­solution temporaire.

Le contenu de cette révision est plus lamentable encore. Son seul intérêt tient dans le fait qu’elle prévoit l’obligation d’effectuer un audit de l’égalité des salaires au sein d’une entreprise. Cette analyse doit pouvoir être vérifiée et les travailleurs·euses doivent en être informé·e·s. Elle sera répétée tous les quatre ans en cas d’inégalité démontrée.

Une coquille vide

Cependant, notre parlement bourgeois s’est assuré de faire de cette obligation d’analyse une coquille vide ne permettant en rien la réduction de l’écart salarial. Parmi les dispositions les plus scandaleuses, on trouve le fait qu’aucun contrôle ni sanction ne sont prévus par rapport à ces analyses. L’obligation de déclarer les résultats ne concerne que l’information aux employé·e·s.
Nombre de détails pervers se retrouvent encore dans cette révision, assurant aux employeurs un impact de la révision réduit au minimum. L’obligation d’analyser les salaires ne concerne en effet que les entreprises d’au moins 100 travailleurs·euses. Cela touche donc uniquement 1 % de toutes les entreprises et seulement 45 % de tou·te·s les salarié·e·s en Suisse. De plus, l’analyse de la Confédération prévoit une « marge de tolérance » de 5 %, alors que selon sa propre étude statistique, l’écart salarial « inexpliqué » est déjà de 7 %. Cette marge passe donc sous silence la partie la plus visible et révoltante de l’écart salarial. C’est vraiment nous prendre pour des idiotes !
Si les résultats de l’analyse peuvent être vérifiés par une représentation des travailleurs·euses, la révision prévoit en fait également la possibilité de les faire vérifier à la place par une entreprise de révision, permettant ainsi d’éviter l’examen du contenu précis de l’analyse. Les résultats communiqués aux employé·e·s n’inclueront pas les données exactes relatives aux salaires, mais seulement les résultats finaux concernant les écarts. Cette absence totale de transparence rendra impossible toute dénonciation des situations particulières et empêchera de lutter efficacement contre les inégalités au sein d’une entreprise. Enfin, le fait que les résultats restent confinés à une communication à l’interne protège bien sûr aussi les entreprises de tout dégât d’image, pourtant mérité, en cas d’inégalité salariale.

De plus, il sera compliqué pour un syndicat de savoir quelles entreprises disposent de plus de 100 employé·e·s, devant passer par l’intermédiaire du Conseil fédéral et de l’OFS. Et les premiers résultats de l’analyse ne devraient être communiqués qu’en juin 2023. Il est donc clair que tout a été fait pour que la révision de la LEg soit la plus inefficace et inutile possible.

Face à une impunité totale en cas d’inégalité de salaire, nous ne risquons pas d’obtenir la justice salariale avant quelques siècles ! En matière d’égalité, il s’agit pourtant de l’une des discriminations les plus dénoncées et récriées par la population suisse. On ne peut pas compter sur la classe bourgeoise et ses institutions pour défendre les droits des femmes ni ceux des travailleurs·euses !


Aude Spang