Artistes

Des conditions de travail à réinventer

La pandémie de coronavirus révèle violemment les conditions de travail des artistes en Suisse : « intermittent·e·s » ou indépendant·e·s, ce n’est toujours pas la passion qui paiera leur loyer.

Les musicien·ne·s ne peuvent compter que sur leurs cachets (concert de la musicienne Aïsha Devi, 2018).
Les musicien·ne·s ne peuvent compter que sur leurs cachets (concert de la musicienne Aïsha Devi, 2018).

En Suisse, la grande majorité des intermittent·e·s du spectacle sont réduit·e·s à la précarité. Des dispositions instaurées en 2003 facilitent l’accès au chômage pour les artistes pratiquant les arts vivants, pour compenser des contrats souvent de courte durée. Toutefois, elles n’offrent pas les conditions permettant de parler d’un « statut » d’intermittent·e tel qu’on le trouve dans le système français. 

Actuellement, les artistes font face à la stagnation des subventions en regard d’une offre toujours plus florissante et à la diminution toujours plus forte de la durée des contrats. Ils·elles se retrouvent alors à devoir accepter toutes sortes de jobs entre deux mandats. Ils·elles multiplient les recherches d’emplois pour lesquels ils·elles ne sont pas qualifié·e·s afin de répondre aux exigences de l’assurance chômage. Pour parer au plus urgent, le flou règne : alors que toute représentation a été annulée, l’assurance chômage s’adaptera-t-elle à ces conditions extraordinaire ?

Une précarité largement distribuée

D’autres sont encore plus mal loti·e·s : en raison des spécificités de leur art, de leur localisation géographique ou du manque de visibilité, ils·elles ne peuvent prétendre à cet accès facilité au chômage. C’est notamment le cas des musicien·ne·s, cinéastes ou artistes plastiques. Ainsi, tandis qu’un comédien est payé tout au long de la production dans laquelle il joue, une musicienne ne peut espérer facturer son travail de répétition. C’est le seul cachet de son concert qui la paiera (on peut avancer le chiffre moyen de 300 francs). La plupart se rabat à contrecœur sur le statut d’indépendant·e, afin de pouvoir ponctuellement décrocher des mandats auprès de micro-structures. 

Néanmoins ces dernières n’ont pas les ressources pour payer les cotisations sociales qu’induit le salariat. Contraint·e·s à renoncer à toute prestation sociale, les artistes n’ont pas non plus le luxe de s’offrir une assurance accident, ce qui les soumet aux aléas les plus dramatiques. À l’heure du coronavirus, les indépendant·e·s (artistes ou pas) sont livré·e·s à elles·eux-mêmes, sans le moindre filet de sécurité sociale et souvent sans réserve, se demandant comment payer les factures et/ou éviter la faillite.

Ensemble, nous sommes fort·e·s

Mais ces circonstances ne doivent pas encourager la seule solidarité des artistes entre elles·eux : elle doit s’étendre à tou·te·s les petit·e·s indépendant·e·s, pour qui ce statut n’est pas nécessairement un choix, et à tou·te·s les travailleur·euse·s précaires: sans-papier, salarié·e·s à l’heure ou encore à durée indéterminée, pour qui le futur proche n’a jamais été aussi incertain. La pandémie nous rappelle avec brutalité que ce type de conditions de travail est intolérable, en tout temps.

Margaux Lang