Les ponts entre luttes syndicales et écologistes, toutefois, n’ont pas été construits sans difficulté, car « la défense de l’environnement s’est souvent heurtée aux discours plaidant pour le maintien de l’emploi et de la production sous le paradigme de la ‹ croissance › », comme le rappellent en introduction les trois éditrices et éditeur du numéro. De plus, l’activité de groupements conservateurs en faveur de l’environnement, tel le Heimatschutz dès la fin du 19e siècle, n’a pas facilité l’appropriation de cette problématique par les socialistes.
Les ouvrières et ouvriers ont cependant été touché·e·s de plein fouet par les pollutions, comme l’illustrent plusieurs études de cas dans le numéro. Une contribution est ainsi consacrée au conflit, dans les années 1970, autour de l’entreprise Alusuisse en Valais, dont les activités provoquent de dangereuses émanations de fluor. La catastrophe de Seveso de 1976 est aussi évoquée, du nom d’une commune du Nord de l’Italie où un nuage toxique s’est dégagé d’une usine du groupe bâlois Hoffmann–La Roche. Un troisième article s’intéresse à l’entreprise CISA de La Chaux-de-Fonds, spécialisée dans la dépollution, mais elle-même responsable, au milieu des années 1980, de plusieurs fuites de produits chimiques dégradant l’air environnant ainsi que les eaux du Doubs.
Le dernier article du dossier étudie l’émergence de préoccupations écologiques au sein d’un des plus grands syndicats helvétiques, la Fédération des ouvriers du bois et du bâtiment (FOBB). En 1983, le syndicat se dote d’un programme qui demande la création d’emplois à travers l’isolation thermique des bâtiments, le développement de l’énergie solaire et la promotion des transports en commun – le document suscite pourtant la critique de certains écologistes, estimant qu’il laisse encore une part trop belle au béton, et de féministes, qui le jugent trop axé sur l’emploi masculin.
Hadrien Buclin