Confinement sans fin des travailleurs·euses du sexe
Alors que la plupart des secteurs entament leur déconfinement, le travail du sexe continue d’être mis à l’arrêt forcé. Le signe de politiques de discrimination et de stigmatisation envers les travailleurs·euses du sexe.
Le 11 mai dernier, nous sommes entré·e·s dans la phase 2 du déconfinement. Une majorité de la population a repris le chemin du travail, les écoles obligatoires ainsi que les restaurant et les commerces ont réouvert leurs portes. Le Conseil fédéral semble estimer que la vie peut reprendre son court pour ainsi dire normal, moyennant quelques mesures de protection supplémentaires.
Pourtant, une catégorie entière de travailleurs·euses s’est vue imposer une prolongation d’arrêt de plusieurs mois. Il s’agit des personnes exerçant dans le domaine du travail du sexe (TDS), qui couvre la prostitution de rue, les services d’escort et les activités dans des salons érotiques. Pour elles et eux, l’interdiction d’exercer court jusqu’au 31 août au moins. Seuls les grands rassemblements de plus de 1000 personnes ont reçu une interdiction similaire.
Une clandestinité de tous les dangers
À travers cette mesure, le Conseil fédéral contribue à renforcer l’idée selon laquelle le travail du sexe serait par essence moins sûr et moins hygiénique – pour les client·e·s – que d’autres services à la personne. Il laisse entendre que les personnes qui exercent cette activité sont des facteurs de risque pour la propagation d’un virus. En réalité, si l’on peut trouver des solutions pour garantir le respect des mesures sanitaires dans des salons de massages ou des cabinets d’ostéopathie, on peut aussi le faire pour les salons érotiques.
Les TDS vivent généralement des situations de précarité économique, que la crise du Covid-19 a empirées, les laissant du jour au lendemain sans source de revenu ni possibilité de bénéficier des aides d’urgence. Sans possibilité de reprendre leur activité avant des mois, ils et elles ne pourront plus payer leurs factures ou leur loyer, ni même s’acheter à manger. Certain·e·s d’entre elles et eux vont être poussé·e·s dans l’illégalité et la clandestinité, dans des conditions sanitaires déplorables, qui en plus de mettre leur vie et leur santé en danger, sont favorables à la propagation du virus.
Des voix se sont déjà élevées contre cette décision et exigent du Conseil fédéral qu’il revienne sur sa décision. Une pétition en ligne a récolté près de 800 signatures en quelques jours. La crise sociale, sanitaire et politique en cours ne doit pas peser sur le dos des plus précaires ! Les travailleurs·euses du sexe ont droit à la reconnaissance et à une vie digne, sans mesures stigmatisantes et précarisantes.
Rosie Moser