« Relancer la consommation », vraiment ?
Pour contrer la récession qui s’annonce, la plupart des gouvernements prônent une « politique de l’offre » : des milliards sont versés aux entreprises – le plus souvent sans conditions – tout en préparant des politiques d’austérité. Face à ces offensives des classes dirigeantes, il faut investir dans les services publics essentiels, réquisitionner les secteurs clés de l’économie, et protéger classes populaires et salarié·e·s. Pour réduire les inégalités et ne pas faire payer la crise à la majorité de la population, dont les plus précaires qui sont en première ligne, nous devons taxer massivement les grandes fortunes et les profits du capital.
Mais la gravité de la crise écologique actuelle nous oblige à inventer des réponses nouvelles. Car pour rester sous la barre fatidique des 1,5° C de réchauffement, les émissions de CO₂ mondiales doivent baisser chaque année de 7,6 %. Or, en 2020, même avec un trafic aérien, automobile, maritime et une production industrielle massivement ralentis, la baisse des émissions n’atteindra que 4 à 8 %. Pour sauver la planète, il faudrait donc l’équivalent d’au moins « un coronavirus par an » !
Nous ne pouvons donc pas faire l’économie d’exigences écologiques radicales ni éluder une difficulté centrale : organiser la nécessaire réduction globale des flux de matières et d’énergie et une relocalisation de l’économie. Impossible donc d’appeler à « relancer la consommation » sans discernement.
Cette « relance de l’économie », qu’on nous présentera comme aussi indispensable qu’elle est en réalité incompatible avec la vie, servira de prétexte à de violentes offensives contre les classes populaires et l’environnement. Les projets d’usines à charbon fleurissent déjà en Chine et les lobbies pétro–financiers aux USA attaquent les objectifs climatiques. En Suisse, l’USAM veut museler les écologistes et augmenter encore davantage le temps de travail.
En même temps, le confinement a ouvert des brèches, en particulier dans l’esprit de celles·ceux qui ont eu le privilège de ne pas trop en souffrir : la quasi-disparition de la publicité dans nos rues et la baisse des nuisances des moteurs ont montré que ce qui semblait impossible était possible. Or, cette « pause » de la machine consumériste – hors commerce en ligne – arrive après des mois de mobilisations inédites pour le climat. On comprend l’inquiétude du Centre Patronal vaudois qui craint que les gens ne prennent goût à cette « fin » de la « société de consommation ».
Ces fissures dans l’aliénation, qu’on retrouve dans les appels « contre le retour à l’anormal », rendent les discours de rupture radicale plus audibles que jamais. Le débat entamé sur les activités « nécessaires » et « superflues » doit être transcendé pour préparer la « planification démocratique et autogestionnaire » écosocialiste. Cette pandémie a aussi montré la centralité du travail de care, effectué surtout par des femmes. La notion de « prendre soin » (des aîné·e·s, des malades, des plus précaires, de la planète…) doit être au cœur de nos luttes. Une piste d’action immédiate fructueuse. À nous de travailler à la jonction entre les thèmes des grèves féministes et climat !
Thibault Schneeberger