La lutte contre les violences envers les femmes ne s’arrête pas avec le Covid-19

La crise sanitaire dévoile toutes les inégalités de notre société. Les mesures de confinement exacerbent les stratégies des auteurs de violences machistes et les dispositifs de soutien sont largement insuffisants.

8 mars 2020, Lausanne Gustave Deghilage
8 mars 2020, Lausanne

Le « stress » du confinement n’explique pas les violences

Pour beaucoup de femmes et d’enfants, le foyer n’est pas un lieu sûr. Les femmes victimes y vivent quotidiennement des violences psychologiques, morales, économiques, sexuelles, et physiques. C’est un état de guerre intime et permanent pour elles et pour leurs enfants. En confinement, sans avoir aucun moment loin de leur agresseur, les violences s’intensifient. Il n’est pas acceptable de soutenir qu’elles seraient apparues à cause du « stress ». 

Cette explication est psychologisante et sert à les justifier. Au contraire, les stratégies des agresseurs d’isolement et de contrôle sont renforcées. Il peut devenir impossible pour les victimes de demander de l’aide. D’où l’importance d’avoir des alternatives aux hotlines tels que des numéros où envoyer des messages, renforcer l’implication des commerces et pharmacies comme aux Canaries où le mot-dièse #mascarilla19 a été établi comme une consigne d’appel à l’aide. Le 20 avril, le comité des parties de la Convention d’Istanbul, a publié une importante déclaration avec des recommandations novatrices et adaptées à la situation actuelle 1.

Lutter efficacement contre les violences machistes

La Suisse a un des taux de féminicides parmi les plus élevés en Europe. En 2017, elle a ratifié la Convention d’Istanbul 2, premier instrument juridiquement contraignant au niveau européen à établir des standards pour la lutte contre les violences de genre. Il incombe aux pouvoirs publics de lutter efficacement contre toutes leurs formes, par la prévention, en protégeant et réparant les victimes et en poursuivant les auteurs. La CEDAW 3 constate en Suisse une « sous-déclaration de la violence sexiste à la police et les faibles taux de poursuites et de condamnation ». De plus, elle pointe des problèmes structurels persistant tels que le nombre de places insuffisant en maison d’accueil, des disparités cantonales de financement et de règlementation et le manque de soutien des femmes quand elles en sortent 4.

La lutte contre les violences machistes comme priorité

Dans ces temps de semi-confinement, il y a un besoin accru de ressources économiques pour les structures d’aide. Elles doivent être considérées comme un service essentiel. La justice doit être très réactive pour attribuer le domicile à la victime ou suspendre les droits de visite aux agresseurs.

« Il n’est pas interdit de fuir » disent certaines campagnes. Bien sûr que non et les femmes le savent, elles ne sont pas idiotes. Elles temporisent et ont des stratégies d’auto–défense mais ont aussi besoin d’accompagnement et d’aide pour activer leurs ressources et se protéger. Elles doivent avoir confiance dans l’aide qu’elles vont recevoir et connaître quel accompagnement existe. Les campagnes publiques qui se limitent à diffuser les numéros d’urgence semblent insuffisantes. Des places d’accueil supplémentaires ont-elles été créées ? La politique de l’éviction du conjoint violent est-elle systématiquement appliquée 5 ? Est-ce que les femmes étrangères dont le statut de séjour dépend du conjoint violent sont mieux protégées ?

Avec ou sans coronavirus, la lutte féministe continue ! 

Le groupe de travail sur les violences faites aux femmes du collectif de la grève des femmes/féministe Vaud a élaboré une affiche, sous le titre Chère voisine, vous n’êtes pas seule avec les numéros de téléphone de référence des lieux d’aide et d’accueil, en demandant à la population de l’imprimer et l’afficher en bas de leur immeuble. 

Glòria Casas Vila

1 Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.
2 Déclaration du comité des parties à la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul).
3 Convention pour l’Élimination de toutes les formes de Discrimination à l’Égard des Femmes (CEDEF selon ses sigles en français).
4 Pour éviter l’écueil des seuls rapports officiels des gouvernements qui tendent à cacher la réalité, les associations de la société civile élaborent dans la plupart des pays des rapports alternatifs, nommés « rapports sombres ».
5 L’éviction du conjoint violent est une mesure que la Suisse a adoptée en 2007 mais trop peu utilisée selon les statistiques (dans le canton de Vaud : seulement 2 % des dossiers en 2011, 30 % des cas en 2015 ; encore loin des 60 % des agresseurs éloignés à Zurich). Cet éloignement a une durée limitée minimale de 10 jours et maximale de 30.