Pour une sortie de crise écologique
La Grève du climat a publié un plan d’action de crise proposant des mesures concrètes pour faire face aux conséquences du Covid-19. Entretien avec Steven Tamburini, militant de la Grève du Climat et de solidaritéS Vaud.
Quelles sont les grandes lignes du plan de la Grève du Climat ? Face à l’urgence écologique, à la récession économique et à la débâcle sanitaire provoquée par le Covid-19, une rupture est nécessaire. Depuis plusieurs mois, la Grève du Climat prépare un plan visant zéro émission de carbone d’ici 2030 en Suisse. Il doit être finalisé et publié d’ici quelques semaines.
La crise économique et sociale provoquée par la pandémie du Covid-19 appelant des mesures d’urgences prenant pleinement en considération les questions écologique et climatique, un avant-goût des travaux a été publié. Ce plan d’action de crise articule quelques éléments du plan principal, avec le contexte pandémique actuel.
La réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) est évidemment le point cardinal. Les réponses écologiques doivent impérativement répondre à toutes les dimensions de la situation sociale et économique. Par exemple, l’idée d’investissements publics dans des programmes d’emplois verts (Green Jobs) permettrait de lutter contre le chômage tout en ouvrant la voie à une économie neutre en émission de GES.
Selon toi, quelles sont les principales forces de ce plan ? Le plan exige la réduction du temps et des rythmes travail à 32 heures et quatre jours ouvrables par semaine avec un horizon post-croissance. Cette revendication forte permet de faire le lien avec le mouvement de Grève féministe et les syndicats. Effectivement, c’est un levier tant pour questionner la division genrée du travail, pour lutter contre le chômage que pour une remise en question du productivisme.
Ce plan d’urgence soutient également les mesures d’urgence demandées par le mouvement féministe tel que le soutien au service public. De plus, les emplois verts peuvent être imaginés comme un type de travail du care, du prendre soin des autres et de notre environnement. Ces emplois sont qualifiés de verts car ils génèrent peu d’émission de CO₂, minimisent la production de déchets et de pollution et protègent les écosystèmes. Ce sont des emplois qu’il faut valoriser socialement et économiquement et dans lesquels il faut investir massivement.
La revendication d’un plan d’action « Bilan net nul » d’émissions pour toutes les entités productrices est également très intéressant : les aides financières étatiques débloquées pour faire face la crise du Covid-19 devraient être conditionnés de manière contraignante à des objectifs de réduction des émissions des entreprises. Elles doivent s’engager à être neutres sur le plan climatique d’ici 2030.
Concernant les transports et l’aviation, contrairement à ce que nos parlementaires ont décidé pour la Loi CO₂, le plan préconise un plafonnement des émissions pour l’aviation par quotas d’émission pénalisant particulièrement ceux·celles qui dépasserait les seuils. Ce système est beaucoup plus juste socialement que les taxes sur les billets d’avions s’appliquant uniformément pour tout le monde dès le premier vol. De plus, l’interdiction des vols en avion en Europe sauf si la desserte n’est pas possible en train limiterait de façon efficace une partie importante du trafic aérien inutile.
Et ces principales limites ? Le plan d’action de crise a été adressé aux parlementaires. Or, recourir directement à elles et eux est un moyen très limité qui ne permettra pas d’infléchir le rapport de force. Ce plan devrait être adressé aux plus grand nombres et être promu partout où cela est possible.
Par ailleurs, le plan est déséquilibré entre des mesures ambitieuses telles que la réduction du temps de travail et des mesures beaucoup plus légères et parfois trop précises. Par exemple, le plan prévoit un programme de formation pour les planificateurs·rices en matières d’énergies renouvelables et d’installateurs·rices. Une acception plus large et englobante tel que le concept de emplois verts aurait été plus intéressante et permettrait de développer d’autres aspect du travail nécessaires à la rupture vers une société écologique.
En quoi ce plan peut-il être un outil intéressant pour la suite du mouvement de la Grève du Climat ? La publication du plan complet, probablement en juillet, permettra d’ouvrir le débat sur toute une série de sujets. Le plan est conséquent et s’attèle à toutes une série de débats scientifiques et politiques trop souvent ignorés ou survolés. Par exemple, la compensation des émissions de GES par des solutions locales et socialement justes est possible. Le plan adopte une approche non uniquement climatique de la crise écologique. Il prend en compte les enjeux sur les écosystèmes et la biodiversité. Il sera une très bonne base de débats et de formation à l’interne et à l’externe.
Propos recueillis par Julien Nagel