Loi sur le CO₂

Un Parlement sourd à l’urgence climatique et écologique

La révision de la Loi sur le CO₂, acceptée par le Conseil national par 135 voix contre 59 et 1 abstention, entèrine la poursuite du business as usual agrémenté de quelques corrections à la marge. Or, le dérèglement climatique impose des mesures fortes sur les émissions de gaz à effet de serre.

Marche pour le changement, Berne 28 septembre 2019
Marche pour le changement, Berne 28 septembre 2019

Cette révision ne constitue en aucun cas l’avancée « réjouissante » ou « exagérée » comme la qualifient respectivement une gauche complaisante ou une droite archaïque. Le Parlement, qu’on nous présentait tout droit issu des mobilisations pour le climat, s’est contenté de modifications cosmétiques, trahissant les centaines de milliers de personnes, qui, en Suisse et partout dans le monde, exigeaient un changement de cap immédiat. En défendant obsessionnellement les intérêts des riches, des banques et des multinationales, nos dirigeant·e·s ont une nouvelle fois montré qu’ils·elles sont incapables d’apporter une réponse à la hauteur des défis que pose la crise climatique.

De belles paroles oubliées 

Les objectifs de réduction doivent enfin prendre en compte la gravité de la crise climatique et écologique dans laquelle les pays industrialisés ont entraîné la planète. La grande majorité des parlementaires n’ont pas tenu compte de cette nécessité, s’enlisant dans des compromis déconnectés de la réalité, allant jusqu’à accuser ceux et celles qui ont pris conscience de cette urgence de vouloir imposer des mesures autoritaires. 

Passée la vague médiatique, il ne restait presque plus personne pour exiger des normes courageuses, seules à même d’entamer un processus capable de désamorcer la crise climatique. Les propositions d’amendements d’Ensemble à Gauche (EàG), notamment la compensation à 100 %, dès 2032, des émissions de gaz à effet de serre suisses sur place à travers des puits de carbone et sans technologies actives de compensation, ont toutes été rejetées. 

Confier au marché la crise climatique

La crise climatique est l’enfant du capitalisme. La course aux profits provoque la destruction de notre environnement. Pourtant, les parlementaires ont plébiscité la participation à une bourse carbone spéculative et inefficace. Comme si le système était capable de générer des remèdes capables de soigner ses métastases. Cette bourse délivrera des permis de polluer ici en soutenant des mesures peu vérifiables ailleurs. La politique de l’autruche dans toute sa splendeur ! Les mesures de réduction des émissions doivent être prise en Suisse : permettre de réduire artificiellement nos émissions à travers des actions réalisées à l’étranger, voire des délocalisations, ne fait que déplacer le problème et retarder une résolution globale de la crise. 

En effet, les pays riches, dont la Suisse fait partie, ont une lourde responsabilité dans la crise climatique. De leur côté, les pays pauvres, qui ont une responsabilité très limitée dans cette crise, se retrouvent au premier rang des victimes. Il faut reconnaître et réparer cette injustice. Cela passe par une aide importante aux pays dépendants afin de faire face à la crise climatique. Fixer des objectifs au niveau national est positif, mais cela doit obligatoirement s’articuler avec des objectifs internationaux tout aussi ambitieux ainsi qu’avec une participation volontariste à leur réalisation. Les diverses propositions d’EàG allant dans ce sens, notamment celle qui visait à consacrer le quart des revenus de la taxe sur le CO₂ à des aides publiques aux pays victimes de la crise climatique, ont été sèchement refusées. 

Les marchés financiers épargnés par la loi 

Agir sur les émissions en Suisse sans prendre en compte les conséquences climatiques dramatiques des actions de la place financière suisse dans certains investissements particulièrement polluants reviendrait à n’apporter qu’une réponse très partielle à la crise climatique. Les émissions indirectement générées par les flux financiers doivent être prises en compte par cette loi. Les institutions financières et leurs investissements doivent donc être soumis aux mêmes objectifs de réduction des émissions, au même titre que les activités émettant directement. 

Une fois encore, les modifications de la loi proposées par EàG, qui imposaient aux banques et autres institutions financières de faire baisser la part de leurs investissements dans les activités émettrices de gaz à effet de serre selon les mêmes objectifs que ceux fixés par la loi en Suisse, ont été refusées. L’ensemble des amendements déposés par EàG, qui réclamaient des objectifs ambitieux et des mesures fortes, ont été rejetés. Nous avons donc refusé le projet de loi au Conseil national. La loi repart aux États afin de régler les dernières divergences. Il ne reste désormais aucune chance de voir le projet s’améliorer suffisamment. EàG s’unira donc à la jeunesse en lutte afin de contrer cette loi. Hors de cette prise de conscience qui s’est manifestée partout dans le monde sous le slogan « Changer le système, pas le climat », pas de salut. Cette loi sur le CO₂ mérite d’être combattue et renvoyée par le peuple à son expéditeur.

Stefanie Prezioso