La représentation des communautés marginalisées compte

Disclosure, documentaire de Sam Feder sorti en juin sur Netflix, revient sur la représentation des personnes trans* dans le cinéma et la télévision. Faisant le choix d’impliquer essentiellement des personnes trans*, le réalisateur propose une analyse complexe de la visibilité trans*. 

Laverne Cox Disclosure
L’actrice Laverne Cox dans le documentaire «Disclosure»

En reprenant l’idée, issue des cultural studies, que les représentations ont aussi pour but d’expliquer au public comment réagir face à une personne trans*, ce documentaire essentiel met en lumière les conséquences de ces images. Que penser, par exemple, de cette scène d’Ace Ventura Pet Detective, où Jim Carrey cherche désespérément à se faire vomir après avoir découvert que la cible de son désir était une femme trans* ? On peut également citer le trope fameux de la personne transgenre comme  tueur·euse psychopathe (Psychose par exemple). Cette incarnation ultime de la menace prend souvent une forme moins extrême : celle des personnes trans* qui ne parlent pas de leur transidentité à leurs partenaires romantiques, s’exposant ainsi à des violences présentées comme légitimes lorsqu’elle est révélée.

Toutes ces représentations finissent par construire un discours, largement accepté, de ce qu’est une personne trans*. Elles indiquent comment « nous », personnes « normales » devrions  réagir face à ces personnes. Les militant·x·e·s trans* font le lien entre ces portraits, qui créent la peur, le dégoût et une curiosité malsaine, et les violences subies par cette communauté marginalisée. 

En effet, malgré cette visibilité accrue, les meurtres de femmes trans non blanches se succèdent à un rythme effréné. Selon Human Rights Campaign, on compte déjà 18 meurtres de personnes trans majoritairement non blanches en 2020. On assiste également, depuis le milieu des années 2010, à une offensive majeure des réactionnaires en tout genre, aux États-Unis et ailleurs. Pensons par exemple aux fameuses Bathroom Bills, qui visaient à exclure les personnes non cisgenres des toilettes publiques lorsqu’elles ne se conformaient pas à leur sexe attribué à la naissance. 

Militer activement, en tant que créateurs·trices et consommateurs·trices, pour des contenus culturels présentant une image complexifiée et humanisante des personnes trans* est donc nécessaire, aussi bien dans une perspective d’empouvoirement que de lutte. Néanmoins, beaucoup expriment l’idée qu’une bonne représentation n’est pas suffisante. Premièrement, une visibilité accrue ne suffit pas pour changer la nature de la représentation. En effet, porter aux nues quelques personnes trans*, n’empêche pas que, aux États-Unis et ailleurs, les personnes trans* restent incroyablement opprimées et marginalisées. 

Comme le rappelle Laverne Cox dans une interview, il ne faut pas se laisser abuser par la stratégie des dominant·e·s, c’est-à-dire diviser pour mieux régner. Au contraire, nous devons lutter pour l’émancipation de toutes et tous, notamment en travaillant sur la dimension matérielle de la transphobie. 

Maimouna Mayoraz