Nouvelles menaces contre nos libertés

Pochoir d'un officier de police antiémeute

La crise sanitaire du Covid-19 n’est pas terminée, tant et si bien que l’OFSP vient de tirer la sonnette d’alarme dans Le Matin dimanche : les cas de contamination ont pratiquement quadruplé en six jours. De plus, la dépression économique, brutalement aggravée par le Covid-19, n’a de loin pas encore fait sentir tous ses effets. Et pourtant, dans cette période inquiétante, où le bien commun et la solidarité devraient être au cœur de toute politique publique digne de ce nom, le parlement suisse vient d’adopter deux projets de lois dites « antiterroristes », en réalité liberticides : celle sur les mesures policières et celle sur le terrorisme et le crime organisé. Ces dispositions ouvrent grand la porte au règne de l’arbitraire !

La loi sur les mesures policières attribue à la police des compétences étendues, notamment la mise en œuvre de mesures de contrainte visant des « terroristes potentiels », dont la désignation permettrait les pires abus puisqu’elle pourrait concerner des mineur·e·s de douze ans. De son côté, le projet « Terrorisme et crime organisé » prévoit un renforcement du droit pénal et de la coopération internationale contre le terrorisme. Il introduit entre autres une nouvelle disposition pénale réprimant le recrutement, la formation et le voyage en vue d’un acte terroriste. Son objectif est de permettre la ratification par la Suisse du protocole additionnel à la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme ; un programme qui a déjà montré ses failles au niveau européen.

Les définitions qui y figurent sont vagues – le flou entourant la notion d’organisation terroriste notamment – sans parler de la notion de « terroriste potentiel ». Vous avez bien lu : « potentiel ». Des mesures de répression « préventives » adaptées à un « dépistage précoce » de toute « radicalisation », pour reprendre la formule utilisée par des parlementaires « du centre ». 

Il n’y a pas de dérogation prévue pour les mouvements de contestation considérés comme terroristes par les pouvoirs autoritaires de leurs pays. Tandis que les ONG et une partie de la gauche ont fait part de leurs vives inquiétudes, le Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a écrit au Conseil fédéral pour dénoncer ce texte. La commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a aussi émis de vives critiques. Enfin, Patrick Walder d’Amnesty International s’est dit « révolté ». 

Les débats ont été marqués du sceau du rejet de « l’autre », de la peur, de la stigmatisation. Une démonstration patente du fait que la grammaire politique de l’extrême droite a été intégrée, à des degrés divers, par tous les partis gouvernementaux. Ainsi, le projet « Terrorisme et crime organisé » a-t-il pu compter sur l’appui indirect de quelques socialistes qui, plutôt que de le rejeter tout net, ont préféré s’abstenir. 

L’horizon de légitimité de mesures autoritaires et liberticides, teintées de racisme, d’islamophobie, qui visent aussi plus largement les classes populaires, s’élargit : l’arbitraire patronal sur les lieux de travail, la répression des mobilisations sociales, l’enfermement des personnes migrantes participent d’une même politique de « remise à l’ordre » des dominé·e·s, qu’il nous faut combattre sans relâche. 

Stéfanie Prezioso