Écosocialisme ou effondrement
Trop tard pour être pessimistes !, le dernier livre de Daniel Tanuro, montre l’impossibilité du « capitalisme vert » et plaide pour une alternative écosocialiste qui conjugue rupture avec le productivisme et justice sociale.

Selon les données du GIEC, il faudrait réduire les émissions de CO₂ des pays développés de 65 % d’ici 2030. Or, 80 % des émissions de CO₂résultent de la combustion des énergies fossiles, qui représente 80 % des besoins énergétiques globaux. Est-ce réalisable dans le système capitaliste ? Non. C’est pourquoi, il n’y a pas moyen d’équilibrer l’équation climatique si on ne produit pas radicalement moins, si on ne transporte pas radicalement moins, et pour le faire dans la justice sociale, il est indispensable de partager davantage, en particulier les richesses et le travail nécessaire.
Trop tard ? Mais alors, que faire ?
Que penser des avertissements du GIEC, des combats des écologistes ou de la grève pour le climat lancée par Greta Thunberg ? Est-ce suffisant face à l’ampleur du défi ? D’abord, il faut répéter que l’expertise scientifique du GIEC est un point d’appui fondamental : ses rapports sont sérieux et ses projections vérifiées par l’observation. Ensuite, il faut se réjouir du fait que la grève pour le climat ait contribué à replacer la mobilisation sociale au centre. Mais ce n’est qu’un début…
Quand Greta Thunberg affirme que la stabilisation du climat n’est pas envisageable dans le cadre du système économique actuel, et qu’elle ajoute que ce n’est pas une opinion, mais une question de mathématique, il faut l’entendre. En effet, l’objectif de réduire de 65 % les émissions de CO₂des pays développés à l’horizon 2030 ne laisse pas d’autre choix que de décider démocratiquement ce que nous allons continuer à produire, comment et pour satisfaire quels besoins, et quelles productions inutiles et nuisibles il va falloir supprimer en assurant la reconversion professionnelle des travailleurs·euses de ces domaines.
Dire la vérité et agir
« Il s’agit de casser le productivisme capitaliste en attaquant le problème à la racine : la concurrence pour le profit maximum par l’exploitation maximale, qui entraîne la destruction (sociale et écologique) maximale ». La situation est effectivement gravissime, et ceux·celles qui le nient sont soit inconscients soit criminels. Nous sommes au seuil d’une catastrophe sans commune mesure avec celle du Covid-19. Et il n’y a qu’une alternative à la sidération : dire la vérité. Il n’y aura pas de réponse à l’effondrement prévisible sans rupture avec le productivisme et le consumérisme.
Le titre du livre de Tanuro donne le ton : Il est trop tard pour être pessimiste. Il n’y a donc pas d’autre solution que la mobilisation, d’abord pour gagner du temps, pour faire reculer le système capitaliste responsable de cette catastrophe, ceci dans la perspective de l’abattre. C’est pourquoi, rien ne serait plus trompeur que d’opposer le combat pour sauver le climat ou la biodiversité aux intérêts de la grande majorité des travailleurs·euses, qui sont condamnés à vendre leur force de travail, c’est-à-dire à produire et à vendre ce que décident les propriétaires des grands moyens de production, de distribution, de transport et de crédit.
Changer la finalité du travail
Le changement de cap profondément révolutionnaire dont nous avons besoin vise à éviter la destruction de l’écosystème terrestre qui conditionne la survie de l’humanité. Mais ce sauvetage doit impliquer la grande majorité de la population travailleuse. Il ne peut donc être conçu que dans une perspective de justice sociale. Il s’agit de mettre en place un autre mode de production, et cela n’est pas concevable sans la participation de la grande masse des producteurs·trices.
C’est pourquoi, notre projet écosocialiste repose sur le partage des richesses et du travail, sur un redéploiement de l’activité qui permette à chacun·e d’être rassuré sur son revenu, son emploi, son avenir. C’est le centre de gravité de l’activité économique qu’il faut modifier en renonçant à la production effrénée de marchandises pour privilégier la production d’utilités et le soin aux personnes et aux écosystèmes. Une telle mutation nécessite la réorientation du travail humain vers des objectifs socialement et écologiquement utiles, certes pour la production de biens indispensables, mais aussi pour répondre aux besoins dans le domaine de l’éducation, de la santé, de la culture, de la réparation de l’environnement, etc.
Jean Batou
Daniel Tanuro, Trop tard pour être pessimistes. Écosocialisme ou effondrement. Paris, Textuel, 2020