Combattre la Loi CO₂ pour ancrer les luttes écologistes

Grève du climat, Lausanne, 4 septembre 2020
Martin Peikert

Pandémie mondiale et pause estivale obligent, cela faisait plusieurs mois que les jeunes grévistes du climat n’avaient plus investi les rues du pays pour exiger une réelle prise en compte de l’urgence climatique. La reprise a eu lieu vendredi dernier 4 septembre, avec la première grève scolaire de l’année.

Sans surprise, les cortèges n’ont pas atteint le nombre de personnes mobilisées lors des précédents événements : les mobilisations ont culminé à 1500–2000 personnes dans les villes de Genève et Lausanne, quand se rassemblaient parfois plus de 10 000 personnes aux mêmes endroits en mars 2020. En cause, le contexte de crise sanitaire qui met à mal la mobilisation, doublée d’une crise économique qui tend à générer un climat de peur sociale peu propice à encourager la population à descendre dans la rue. 

Néanmoins, il faut relever les aspects globalement positifs de cette rentrée politique de la Grève du climat. Le fait même d’être parvenu à réinvestir le pavé est, vu le contexte, un succès. Les cortèges étaient pour l’essentiel composés de jeunes, voire très jeunes, montrant que la nouvelle génération reste à la tête du mouvement écologiste. Et le fort écho médiatique dont ont bénéficié les collectifs régionaux illustre la place centrale que joue le mouvement dans le débat public.

C’est le propre de tout mouvement social que de vivre des périodes de flux et de reflux ; il faut savoir composer avec ses rythmes. D’évidence, le mouvement de grève du climat n’est, en Suisse, plus dans une période

ascendante. Il s’agit de parvenir à dépasser le caractère cyclique de ses actions, notamment en les focalisant sur des campagnes et des revendications concrètes, démontrant la capacité du mouvement à agir sur la réalité.

Dans ce sens, on peut se réjouir que le projet de loi sur le CO₂ ait été au cœur des cibles des manifestant·e·s du 4 septembre. Ce projet voudrait faire payer l’essentiel de la facture climatique aux classes populaires par des mesures inefficaces sur le plan écologique. En parallèle, elle ne touche pas aux activités des banques, des assurances et des sociétés multinationales, dont les transactions financières sont pourtant responsables d’émissions vingt fois plus importantes que celles de toute la population suisse. C’est pour ces raisons que notre conseillère nationale Stefanie Prezioso s’ést opposée à ce projet lors du débat de la session parlementaire de juin 2020 (voir l’article de juin 2020 ↗︎).

Pour l’heure, deux camps politiques s’opposent sur ce projet : d’un côté, l’UDC, pour qui le contenu de la loi mettrait à mal les intérêts économiques ; de l’autre, tous les autres partis de gouvernement, pour qui les mesures proposées seraient à la hauteur de la situation. Une dichotomie trompeuse, dans laquelle un discours écologiste conséquent n’a pas vraiment sa place.

Il est donc urgent que, dans ce débat, apparaisse une troisième voix qui refuse d’opposer le moindre malau toujours pire. Refuser l’arnaque libérale de la Loi sur le CO₂, peut ouvrir un espace politique aux jeunes grévistes pour exister dans ce débat crucial pour les années à venir. 

Il ne s’agit pas uniquement de dénoncer, mais aussi de se doter des outils qui permettent de s’imposer comme un acteur incontournable du débat. En face, l’UDC l’a bien compris en annonçant d’emblée le lancement d’un référendum. La Grève du climat serait bien inspirée d’en faire de même et ne pas laisser le monopole de la contestation aux éléments les plus réactionnaires du camp bourgeois. Le mouvement pourrait en tous les cas compter sur le soutien actif de solidaritéS pour y parvenir.

Pierre Conscience