Le dernier but de l’Autriche

Roman historique qui nous immerge dans Vienne la rouge. L’espoir d’un monde meilleur traverse aussi les équipes de football, sport du prolétariat masculin.

Matthias Sindelar
Matthias Sindelar

La chute de l’empire austro–hongrois en 1918 ouvre une nouvelle période politique à Vienne. Le parti social-démocrate gagne les élections municipales au printemps 1919 et restera majoritaire jusqu’à l’écrasement militaire de 1934. Les familles ouvrières s’entassent dans des taudis. Face à la pénurie et la vétusté de l’habitat, la nouvelle municipalité lance un vaste plan de constructions. 63 000 logements avec de bas loyers voient le jour. Le symbole de cette politique sera l’ensemble Karl-Marx-Hof.

Sur des terrains vagues, des gamins courent après des boules de tissu. Dans cette grisaille, un frêle joueur va révolutionner le football par ses feintes, ses dribbles et sa vitesse de jeu. Le club de l’Austria Wien a recruté le jeune Matthias Sindelar. Surnommé « l’homme de papier », parce qu’il s’infiltre dans toutes les défenses. L’équipe d’Autriche deviendra le Wunderteam et dominera les compétitions.

Ce visionnaire d’un beau jeu collectif ne va pas seulement porter au sommet l’art de son sport. Il suit de près les idées politiques et la montée de la violence nazie. L’armée bombarde les quartiers ouvriers de Vienne en février 1934 pour écraser une grève générale.

Le courage de défier les consignes des nazis

Au moment de l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne, les responsables nazis ont l’idée de sceller cette « union » par un dernier match de l’équipe d’Autriche le 3 avril 1938 au Praterstadion de Vienne.

Pour les organisateurs de cette opération de propagande, il ne peut y avoir de vainqueur et ils le font clairement savoir à Sindelar, qui exige tout d’abord de jouer avec les couleurs autrichiennes.

Ensuite, pour les nazis, arrive l’inimaginable. Sindelar ouvre le score. L’Allemagne est battue devant 60 000 personnes. Après cet affront au Reich, Sindelar refuse son transfert dans un club de Berlin. Sa mort suspecte, officiellement présentée comme un suicide, quelque mois plus tard, provoquera une dernière manifestation à Vienne. Plus de 20 000 personnes suivront son ombre immobile vers le Cimetière central.

80 ans après, sa tombe est toujours fleurie, et le 23 janvier des dizaines, parfois de centaines de personnes, lui rendent encore un hommage.

José Sanchez

Couverture du livre Olivier Margot, L’homme qui n’est jamais mort
Olivier Margot, L’homme qui n’est jamais mort, JC Lattès, 2020