27 septembre

Résultats positifs, sans illusion

Action Operation Libero Non au Schwexit, 1er octobre 2020
Action de Operation Libero «Contre le Schwexit» et pour la conclusion rapide de l’accord avec l’Union européenne, 1er octobre 2020

Le 27 septembre 2020 a été un dimanche de votations comme on n’en voit pas souvent. Pour sa participation d’abord: avec 60% de voix exprimées, celles et ceux qui ont droit de vote se sont plus mobilisé·e·s que d’ordinaire. Ensuite pour ses résultats : la plupart des recommandations de la droite et du Conseil fédéral ont été désavouées et l’initiative xénophobe de l’UDC a réalisé un score substantiellement en deçà de ses précédents résultats. 

Ces résultats sont suffisamment rares pour être relevés, au pays de la paix du consensus, où la droite impose si souvent sa ligne. Ils devraient nous encourager dans notre action et nous faire redoubler d’efforts. Mais pour ne pas se bercer d’illusions, il faut aussi souligner les limites de ce résultat, qui contrastent avec les réactions dithyrambiques qu’on a pu découvrir au lendemain des votations. Même s’il est trop tôt pour tirer des conclusions sur la situation politique en Suisse, on peut se demander quel a été l’impact de la crise du Covid – et l’implication de l’État dans ce cadre – sur le résultat des votations. L’évidence concrète d’un « besoin d’État » a-t-il contribué au refus du cadeau fiscal et à l’acceptation du congé paternité ? 

Cette crise a-t-elle ancré dans la population la nécessité d’un État disposant de ressources nécessaires, et habilité à réguler ? 

Il serait pour le moins précipité de l’affirmer. Le gouvernement actuellement jouit d’une forte confiance de la population, à la suite de sa gestion de la crise. Or ce gouvernement n’a pas évolué, il reste néolibéral, bien décidé à ne rien changer, que ce soit par rapport à la fiscalité, à l’urgence climatique ou aux assurances sociales. Le clan bourgeois a de plus gagné sur les points les plus importants pour lui : la libre circulation et les avions de combat, ne s’investissant que peu dans les campagnes des autres objets soumis au vote. 

L’issue de ces votations est donc certes positive, mais elle révèle en trompe-l’œil un climat politique qui reste très difficile. L’initiative de l’UDC n’a pas passé la rampe, mais le parti xénophobe en était à sa troisième relance sur le même sujet et apparaissait comme maximaliste. Il n’en reste pas moins que la proposition a recueilli presque 40 % des voix, donc 10 % de plus que l’électorat de l’UDC. Le congé paternité a été adopté par 60 % des votant·e·s, mais c’est une mesure des plus timides. Malgré cela, plus de 35 % des voix exprimées s’y opposent. Idem pour le non à l’achat de nouveaux avions militaires, qui s’est encoublé sur la dernière ligne droite. Résultats : les six milliards annoncés iront bien renforcer le budget militaire, au détriment de secteurs comme les soins ou les transports.

Des votations plus représentatives par la participation et plus progressistes par leurs résultats, mais qui ne doivent pas nous faire crier victoire. Engels défendait l’idée selon laquelle le suffrage universel est un indice, certes biaisé, mais qui permet de mesurer le niveau de conscience de la classe ouvrière : « Le jour où le thermomètre du suffrage universel indiquera pour les travailleurs le point d’ébullition, ils sauront, aussi bien que les capitalistes, ce qu’il leur reste à faire », disait-il. Pour sûr, ce n’est pas au bouillonnement décrit par Engels que nous avons assisté, loin s’en faut (et les capitalistes l’ont bien compris). Mais la température a monté de quelques degrés.

Pierre Conscience    Pierre Raboud