Nigeria

Mobilisations contre les violences policières

Ces dernières semaines, ce pays d’Afrique de l’Ouest a été secoué par des manifestations monstres. Les Nigérian·ne·s ont revendiqué, avec succès, la dissolution d’une unité de police – la SARS – particulièrement violente.

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Des jeunes nigérians protestent contre les brutalités et les exécutions extrajudiciaires par une unité de police voyous connue sous le nom de SRAS

L’ annonce est tombée le 11 octobre : face à l’ampleur des mobilisations, le gouvernement va dissoudre la brigade spéciale anti-criminalité de la police nigériane. Celle-ci est connue pour sa brutalité : détention illégale, violences sexuelles, extorsion d’argent, violences physiques, humiliations et meurtres. Le 3 octobre dernier, une vidéo montrant le meurtre d’un homme à Ughelli, une ville du sud du pays, a indigné la population et donné lieu à des grandes manifestations de la jeunesse dans les principales villes nigérianes. Une campagne numérique autour du hashtag #ENDSARS a rendu le monde entier attentif.

Pendant deux semaines, les mobilisations ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes et ont été confrontées à la répression. Le président déclarait lui-même que 69 personnes, dont une écrasante majorité de civil·e·s, ont été tuées et ce, après l’annonce du 11 octobre.
Comment comprendre la poursuite de la répression ? Il faut savoir que si le gouvernement a annoncé une dissolution de l’unité, il a précisé que ces agents allaient être réaffectés à d’autres services de la police. Pour les manifestant·e·s, c’est inacceptable. En réaction, le mouvement a présenté ses cinq revendications principales : la libération de toutes les personnes arrêtées durant la mobilisation, la justice pour les personnes tuées par les agents, un organe indépendant de dépôt de plainte, une évaluation psychologique des agents de la SARS avant toute réintégration, et enfin, une hausse du salaire des policiers·ères.

Un combat commun par-delà les frontières

Si le contexte politique, social et économique est évidemment différent du nôtre, les revendications de ce mouvement rejoignent en grande partie celles des hommes noirs violentés et harcelés par nos forces de police (voir ci-dessous). Mais il faut rappeler que la violence vécue par les Nigérian·nes n’est pas seulement du fait de cette unité : elle est liée à la précarité d’une majorité de la population, conséquence de ce que l’économiste Samir Amin a appelé le développement inégal.

Or, on lit sur le site de la Confédération que derrière « l’Afrique du Sud, le Nigéria est le deuxième partenaire commercial de la Suisse en Afrique subsaharienne. Le Nigéria exporte principalement du pétrole brut, tandis qu’il importe de la Suisse des machines, des produits pharmaceutiques et d’autres produits de l’industrie chimique ». Avec la crise sanitaire, le prix du baril a chuté, contraignant ce pays à faire appel au FMI et à la Banque mondiale, avec les plans d’austérité que cela va engendrer.

La violence économique, sociale, et politique qui s’abat sur la population s’articule ainsi à la violence physique de la police nigériane. L’impérialisme suisse ayant une responsabilité dans la production de ces violences, il faut nous organiser pour les combattre à la racine !

Anouk Essyad