L’écologie au-delà des belles paroles

ZAD de la Colline
Zad de la Colline, octobre 2020

Lundi 30 novembre, la jeune ZAD de la Colline, installée sur le horst calcaire surplombant la commune de La Sarraz, se réveille avec la gueule de bois. La veille, la trop bien nommée Suisse primitive a fait barrage à l’initiative, pourtant timide, sur les « multinationales responsables ». Les zadistes réagissent par un communiqué prenant acte de « l’échec de la démocratie suisse » et appelant à « la désobéissance civile ».

Levée de boucliers quelques heures plus tard : la classe politique unanime pousse des hauts cris au nom de la loi et du respect des institutions. On n’avait pas autant entendu parler de l’État de droit depuis longtemps. C’est la démocratie suisse qu’on assassine, le spectre de la guerre civile hante les confins du Gros-de-Vaud.

Le PLR, cohérent, hurle à l’activisme violent et invoque la sainte propriété privée. Les Vert·e·s, après un timide soutien de la ZAD en octobre mais plus à l’aise dans leur rôle de caution de l’hypocrisie écologique dominant l’action publique – et voyant déjà leur électorat les abandonner – se désolidarisent comme on ferme sa porte à un pestiféré.

Dans les deux cas, une touche de paternalisme permet de se donner de la hauteur. On rappelle à l’ordre ces grands enfants idéalistes qui ne veulent pas comprendre les nécessités du monde réel, c’est-à-dire du capitalisme mondialisé. L’occupation « bon enfant » de la colline, passe encore, mais une action concrète avec de vraies conséquences, vous n’y pensez pas !

C’est précisément ne pas comprendre – ou trop bien comprendre – le principe d’une ZAD et, plus largement, de l’action directe. Les « Zones à défendre », apparues ces dernières décennies en France, tirent leur raison d’être d’une volonté de faire de la politique en actes et non en paroles.

Lorsque les Vert·e·s défendent la loi CO₂ tout en expliquant à qui veut les entendre qu’on ne pouvait pas espérer mieux avec un parlement de droite, le parti « écologiste » se donne bonne conscience tout en faisant l’aveu de sa parfaite inutilité. À l’opposé, la ZAD rend visibles les contradictions derrière le greenwashing de Holcim et du Canton. Et, en libérant physiquement des territoires de la logique marchande, elle montre que les forces du marché et des États qui le soutiennent ne sont pas invincibles.

La ZAD gêne les politicien·ne·s car elle conteste leur légitimité et, plus profondément, révèle le vide de leur action, leur fausse conscience. Le respect de la légalité, l’importance du « consensus », tout cela camoufle tant bien que mal la belle unanimité d’un personnel politique ne souhaitant surtout pas changer le monde mais se contentant de gérer l’ordre existant, c’est-à-dire de régler les affaires courantes au service du marché. La prise de la Bastille n’était ni pacifique ni légale, la lutte pour les droits civiques non plus.

Mais la ZAD fait plus encore. Par son existence même, elle prouve par l’exemple qu’un autre monde est possible. L’auto-organisation, l’horizontalité de la prise de décision, l’apprentissage du commun plutôt que le règne de la propriété exclusive, le soin apporté à l’environnement, le refus du productivisme et de la consommation comme mode d’être, tout cela est possible et les ZAD en sont une incarnation. Une démonstration inquiétante pour la droite, bien sûr, mais aussi pour la « gauche » petite-bourgeoise, empêtrée dans son désir de changement sans changement.

Guy Rouge