Prix des médicaments

Le Conseil fédéral à plat ventre devant la Big Pharma

On vous avait parlé de la pratique des prix de vitrine des médicaments (solidaritéS nº 376). L’Office fédéral de la santé publique semblait réticent. Tu parles, Charles ! Le projet de modification de la LAMal cède avec complaisance aux demandes des industriels.

Récolte de signatures pour l'initiative «Pour des primes plus basses»
Récolte de signatures de l’initiative « Pour des primes plus basses » du PDC

Lectrices, lecteurs, accrochez-­vous : voici une hypocrisie de la plus belle eau. La modification de la Loi sur l’assurance maladie est en effet vendue comme faisant partie du 2e volet des mesures visant à freiner la hausse des coûts. Elle fait office de contre-projet indirect à l’initiative populaire fédérale « Pour des primes plus basses. Frein aux coûts dans le système de santé » déposée par le PDC, devenu Le Centre.

En 2018, un premier train de mesures avait été adopté. La révision actuelle poursuit dans le même sens. Officiellement, il s’agit de « freiner l’évolution des coûts des prestations à la charge de l’AOS [Assurance obligatoire des soins], afin de limiter la hausse des primes à payer par les assuré·e·s. » (Rapport explicatif).

Pour ce faire, le projet généralise un premier modèle, celui du contrôleur d’accès. Soit un mécanisme semblable à celui du·de la médecin de famille, pour éviter les consultations inutiles. Puisque ces stupides assuré·e·s ne font que courir à travers tout le pays pour consulter des spécialistes au moindre bobo…

Cette révision prolonge aussi les modèles des prix de médicaments que nous connaissons actuellement et autorise légalement les rétrocessions opaques de l’industrie pharmaceutique aux assurances. Car, voyez-vous : « Tous les modèles de prix ne peuvent cependant pas être mis en œuvre en toute transparence. Si les restitutions sont trop élevées, les titulaires d’autorisation ne sont pas disposés à les rendre publiques. » Les titulaires d’autorisation sont ces pauvres hères de l’industrie pharmaceutique internationale. À qui l’on concède en outre le droit de taire les rétrocessions faites aux assurances : « Il importe que l’accès aux informations sur le montant, le calcul et les modalités des restitutions prévues à l’art. 52b puisse être refusé ». Ainsi assureurs et pharma négocieront des prix réels des médicaments découplés du prix officiel, rendant impossible désormais la connaissance du coût réel du traitement. Seuls les « prix de vitrine », soit les prix publics, seront connus. Le contrôle des prix est ainsi vidé de toute substance.

Daniel Süri

GILEAD PROFITE

Le laboratoire américain Gilead a profité de la crise sanitaire pour réaliser une superbe arnaque.

Développé contre le virus Ebola, le remdésivir n’a donné aucun résultat sur le coronavirus. En proposant au début de la pandémie ses doses inutilisées en Afrique, Gilead n’avait pas grand-chose à perdre.

Un premier petit test est effectué à Wuhan, foyer chinois de l’épidémie du Covid-19. Les résultats publiés en avril dans la revue The Lancet ne montrent aucune efficacité sur la mortalité.

Un nouvel essai aux États-Unis donne toujours le même résultat. Par contre, les patient·e·s malades récupèrent un peu plus vite. Fort de ce test, Gilead offre son stock de 1,5 million de doses aux États-Unien·ne·s.

L’agence européenne des médicaments (EMA) autorise alors sa commercialisation le 25 juin de manière conditionnelle, malgré de nombreux manques dans les données fournies.

Gilead fixe le prix à 390 $ la dose. Le traitement en nécessite six. Des calculs effectués par des chercheur·euse·s indépendant·e·s évaluent le prix de la dose à 0,93 $, soit 420 fois moins cher.

La Commission européenne (CE) accepte ce prix de l’industriel et passe un accord couvrant 30 000 traitements. Puis le 7 octobre, c’est une commande de 500 000 doses qui est conclue, alors que Gilead vient de recevoir les résultats de l’essai Solidarity. Réalisé sur 2750 personnes à l’échelle européenne, celui-ci conclut à l’absence de tout effet bénéfique de la molécule. Or, Gilead n’a pas signalé ces résultats. Et la CE n’a pris aucun renseignement auprès de l’OMS. Depuis, les ventes de 640 000 doses ont rapporté à Gilead 220 millions d’euros, pour un médicament inutile.

José Sanchez