États-Unis

Démonstration de force de l’extrême droite

Le 6 janvier, quelques centaines de personnes, certaines armées, ont pénétré dans le Capitole à Washington sans être freinées par les forces de police. C’est une démonstration éclatante de la confiance actuelle de l’extrême droite en elle-même, de la force du suprématisme blanc et de la possibilité du fascisme.

assaut du Capitole des pro Trump

Les images sont édifiantes pour qui a suivi les manifestations Black Lives Matter (BLM) suite à la mort de George Floyd. Des centaines de manifestant·e·s, bardé·e·s de symboles néo-nazis et confédérés, ont pénétré avec facilité les murs du Capitole, où les député·e·s et sénateur·ice·s (qui ont dû être évacué·e·s) étaient en session pour valider la victoire présidentielle de Joseph Biden.

On a en tête la violence létale déchaînée par les policiers contre des manifestant·e·s de BLM avec du gaz lacrymogène, des balles en caoutchouc et des centaines d’arrestations. Des mobilisations devant le Capitole cet été ont donné lieu à un bouclement de la zone qui montrait la toute-puissance du système sécuritaire. Cette violence contre des manifestations de gauche n’avait rien de nouveau. Déjà en 2016, à Keystone, police et garde nationale n’avaient pas hésité à utiliser des canons à eau en plein hiver contre des opposant·e·s indigènes à la construction d’un pipeline.

Un lien fort entre extrême droite et police

Il serait prématuré d’affirmer que la police aurait activement aidé les manifestant·e·s à pénétrer dans le Capitole. Néanmoins, il est évident que le nombre et le niveau de préparation des policiers étaient largement insuffisants et que les agents présents, dans leur ensemble, ont retenu leur force et se sont contentés de molles exhortations. Cette tendance à un certain laisser-faire n’a rien de nouveau. Cet automne, à Kenosha, la police avait laissé fuir Kyle Rittenhouse après que ce suprémaciste blanc avait assassiné deux hommes à l’arme automatique lors d’une manifestation contre les violences policières racistes. Rittenhouse avait été aperçu discutant amicalement avec des officiers plus tôt. Au Capitole, des témoignages font état de policiers prenant des selfies avec des manifestant·e·s.

Il y a incontestablement une proximité idéologique et matérielle entre une partie des forces de police et l’extrême droite, dont notamment les Proud Boys, organisation néo-fasciste et masculiniste. Cette proximité a permis cette éclatante démonstration de force du suprémacisme blanc qu’était l’événement du 6 janvier. Il n’aura fallu qu’une étincelle pour provoquer ces événements, et l’appel de Donald Trump à la fin d’un discours, l’a été.

Des partis institutionnels complices

En effet, Donald Trump a appelé ses partisan·e·s à se mettre en branle pour la défense de son pouvoir personnel et d’une idéologie raciste et réactionnaire. Donald Trump est le leader d’un parti républicain qui, depuis le mandat de George W. Bush, montre de plus en plus de dédain et mépris pour les institutions et les principes démocratiques. Avec un suprémaciste blanc comme figure de proue, le parti a obtenu 74 millions de voix lors de la dernière élection présidentielle et a tendance à fonctionner comme caisse de résonnance des discours nationalistes blancs dans le débat public.

En face, le parti démocrate ne représente pas une alternative crédible et progressiste. Il s’agit en effet d’une institution néolibérale, au service du capitalisme financier globalisé. Son objectif politique actuel est un retour à la « normale », soit à un impérialisme économique et militaire classique pour promouvoir l’hégémonie US. Cet objectif se réalisera vraisemblablement par l’augmentation du pouvoir de surveillance et de répression de l’État, avec une pression décuplée sur toute dissidence de gauche.

La gauche doit reprendre la main dans la rue

Le coup d’éclat du 6 janvier va renforcer la confiance de l’extrême droite en elle-même. Elle est organisée sur le terrain, possède ses propres canaux médiatiques et mobilise par les réseaux sociaux. Heureusement, l’assaut du Capitole ressemblait plus à une démonstration de loyauté envers Donald Trump sous forme de baroud d’honneur qu’à l’expression d’un mouvement très organisé et cohérent. Le risque existe néanmoins que les différentes composantes réactionnaires de ce mouvement convergent et prennent le contrôle de l’espace public, avec la complicité des forces de police.

Le rôle de la gauche doit maintenant être, aux USA et partout ailleurs, d’empêcher l’extrême droite de s’implanter profondément. Les manifestant·e·s étaient environ 15 000 devant le Capitole le 6 janvier ; des dizaines de millions de personnes ont manifesté pour BLM ce printemps et été. Les forces progressistes sont théoriquement majoritaires. Il est vital, dans une perspective émancipatrice, que la gauche s’organise pour refuser tant la barbarie du fascisme qui pointe que celle du néolibéralisme globalisé qui, par sa brutalité sociale, met en place les conditions de l’émergence du fascisme. Partout, plus que jamais, la gauche doit se mobiliser contre la possibilité du fascisme !

Pascal Vosicki