Green New quoi ?
La dénomination « Green New Deal » (GND) recouvre des plans écologiques très différents, rédigés par des institutions étatiques, des ONG ou des groupes d’expert·e·s. Petit tour d’horizon.
Le GND est une référence au New Deal lancé par le président Roosevelt après son élection en 1933. Ce plan consistait notamment dans le financement de grands travaux publics menés par des agences fédérales pour réduire le chômage.
Le GND de la gauche américaine
Au début 2019, Alexandria Ocasio–Cortez et 71 autres député·e·s demandent au gouvernement fédéral la création d’un GND. Durant sa campagne pour l’investiture démocrate, le sénateur Bernie Sanders reprend l’étiquette du GND pour présenter un large plan de mesures. Son programme marque une rupture avec le néolibéralisme, avec une intervention publique pour d’ambitieuses réalisations écologiques, fiscales et sociales. Les propositions concernent également les questions de l’emploi et de la reconversion. Il contient aussi la nécessité de « construire un mouvement populaire partant des citoyen·ne·s suffisamment puissant pour réussir » à le réaliser. L’altermondialiste Naomi Klein estime que ce GND « ne demande pas aux gens de choisir entre la fin du mois et la fin du monde ».
Mais cette « vision du futur » comporte deux grands points faibles. Ce GND vise au maintien du mode de vie actuel, il ne critique ni le productivisme ni l’avidité de consommation entretenue par le capitalisme. C’est sa première grande contradiction : l’absence de la sobriété matérielle et énergétique comme exigence incontournable pour réduire fortement la pression anthropique sur la biosphère (mais aussi sur les ressources du sous-sol). Les investissements de haute technologie et la recherche scientifique sont présentés comme les moyens pour respecter les objectifs climatiques. C’est la vision d’une croissance verte grâce à la « high-tech », ne prenant pas en compte le caractère limité des ressources matérielles ou la chute de la biodiversité.
L’institut du développement durable et des relations internationales le décrit ainsi : « le GND consiste à mobiliser un volume massif d’investissements publics et privés afin d’enclencher la transformation vers une économie bas-carbone, d’investir dans l’innovation et les technologies de pointe, de moderniser des infrastructures obsolètes du pays et de créer des millions d’emplois de qualité ».
La Commission européenne (CE) de la présidente von der Leyen a aussi formulé une variante nommée Green deal avec des objectifs ambitieux de neutralité d’émission de CO₂ sans se donner des moyens politiques contraignants.
La gauche sociale et écologique au Parlement européen
Pionnier en la matière, le groupe des Verts, dans une prise de position publiée en 2011, « Le GND au Parlement européen », demandait déjà d’« aligner nos modes de vie – la manière dont nous vivons, produisons et consommons – sur les limites physiques de notre planète ». Après cette déclaration d’intention, les mesures proposées ne constituent pas de grands bouleversements, ni une sobriété énergétique. Efficacité énergétique, compétitivité durable et innovation industrielle, mobilité électrique, réglementation financière et fiscalité verte sont au service d’une croissance économique non remise en cause.
Cette absence de sobriété énergétique et de critique du productivisme se retrouve aussi dans le document de la Gauche unie européenne/Gauche verte nordique (GUE/NGL).
Une coalition d’ONG a critiqué les insuffisances du GD de la CE dans un document en décembre 2019. Fruit d’un grand travail collectif, cette orientation apporte des nouveautés intéressantes par rapport au GND de la gauche américaine et européenne. Réduction du parc automobile individuel, sobriété dans les modes de transport, sobriété numérique, transformation de l’agriculture vers l’agroécologie, auquel s’ajoute la réduction du temps de travail.
Dans un autre registre le « Pacte Finance-Climat » de l’économiste Pierre Larrouturou, soutenu par beaucoup de personnalités, propose la création d’une banque européenne et de la biodiversité et d’un fonds européen, sans remettre en cause le mode de vie et de production. C’est le GND côté finance : « pour gagner, un GND a besoin de green new money ».
GND, consensus ou alternative ?
La référence au GND peut-elle déjà ouvrir des portes et permette de construire des coalitions et des mobilisations ? Aux USA, la force symbolique du New Deal reste très présente. Cela n’est pas le cas en Europe, où les interprétations quant à la portée et au contenu du GND sont très diverses. De plus, le terme de « pacte » laisse entrevoir un compromis possible entre les pouvoirs politiques et économiques. Comme si les notions de transition ou de développement durable pouvaient par elles-mêmes être capables de provoquer des changements profonds dans les sphères de production et de consommation. Certes certaines versions du GND font cohabiter les dimensions sociales et écologiques. Mais cela peut aussi constituer un écran de fumée verte.
José Sanchez
À partir de l’article « Le Green New Deal aux États-Unis et en Europe » de Jean Gadrey, Les possibles, nº 23, printemps 2020.