Les salarié·e·s paient la facture
Si la pandémie du coronavirus a révélé des contradictions inhérentes au capitalisme, elle a surtout réussi à faire reconnaître la valeur de la force de travail produite par les travailleurs·euses, qui pourtant continuent de payer la crise.
La distinction entre les métiers dits « essentiels » et « non-essentiels » a rapidement pris de l’ampleur dans le débat public. Il a souvent eu pour conséquence de valoriser le travail indispensable au fonctionnement de la société. Rappelons que ce dernier est non seulement invisibilisé mais également marqué par la division sexuée et raciale du travail – s’agissant des tâches confiées majoritairement aux femmes de la classe populaire et aux personnes issues de l’immigration et/ou non blanches. Il est donc impossible d’arrêter les secteurs de services à la personne, sans provoquer simultanément la crise de la reproduction. C’est dans ce sens-là qu’il faut concevoir la valeur du travail que fournissent ces salarié·e·s en première ligne.
Toutefois, la protection de la santé et la revalorisation salariale ne sont de loin pas l’apanage de ces travailleurs·euses – dont les conditions ne font que de se dégrader – et ce malgré les applaudissements et malgré les nombreuses revendications adressées aux gouvernant·e·s.
Destruction de l’emploi dans le secteur tertiaire
Dans le secteur des activités tertiaires, connu comme celui des services, la situation ne fait que de se dégrader. Les travailleur·euse·s occupé·e·s dans la vente, la restauration, la logistique ou encore l’économie domestique, sont les principales et principaux perdant·e·s de la crise. Dans les pays occidentaux qui ont pu se permettre des mesures de confinement strictes, comme la fermeture totale ou partielle de nombreux lieux de travail, les salarié·e·s paient lourdement la facture. Selon les analyses du dernier rapport de l’Organisation internationale du Travail (Le Covid‑19 et le monde du travail. Sixième édition, 23 septembre 2020), la perte des heures de travail en 2020 est bien plus importante en comparaison avec 2019, s’élevant désormais à 17,3 % d’heures perdues (ce qui correspond à 495 millions d’emplois équivalents temps plein).
Il en va de même pour la perte en revenus du travail, cette dernière étant en corrélation parfaite avec la chute du nombre d’heures travaillées. Ainsi, alors qu’une part des salarié·e·s du tertiaire sont considéré·e·s comme fournissant des métiers « essentiels », une part significative d’entre eux·elles est concernée par la fermeture des lieux de travail. Cette situation est d’autant plus accentuée chez les travailleur·euse·s de l’économie dite informelle, comme c’est le cas par exemple de l’économie domestique, structurellement précaire avant même la pandémie !
Face à la crise, quelles réponses en Suisse ?
Cette crise provoque des perturbations non négligeables sur le marché du travail. Le tertiaire est particulièrement atteint et on le voit notamment dans l’hôtellerie et la restauration, une branche dont l’activité a été complètement stoppée pour la deuxième voire la troisième fois en un an. Ces travailleur·euse·s au chômage technique et aux revenus réduits se voient davantage précarisé·e·s puisque le salaire moyen dans le secteur est de 3470 francs brut !
Grâce à la pression politique et syndicale, ces bas revenus sont désormais indemnisés en Suisse à 100 % et non plus à 80 % comme auparavant. Toutefois, cette mesure exclut les salarié·e·s à temps partiel qui gagneraient plus dudit montant pour un temps plein. Une vendeuse travaillant à 50 % pour un salaire mensuel brut à 1500 francs brut se voit donc réduire son salaire de 20 % chaque mois de fermeture et cela dans un des pays les plus riches au monde !
Si une part des salarié·e·s vit avec les revenus réduits, une autre part significative est licenciée pour motif économique, même lorsque les établissements ont bénéficié des aides censées servir de non recours au licenciement. De nombreuses faillites dans la vente et la restauration ont lieu en Suisse depuis des mois. Cela va de pair avec l’augmentation du chômage, mais faut-il encore que les travailleur·euse·s aient droit aux prestations. Les enquêtes montrent que, dans tous les pays, ce sont surtout les femmes qui perdent leur emploi, étant majoritaires dans ce secteur.
Des commerçant·e·s et restaurateur·ice·s, regroupé·e·s sous la bannière « Qui va payer l’addition », rédigent des communiqués et organisent des rassemblements pour dénoncer cette situation financière difficile. Mais les principaux·ales concerné·e·s se voient ainsi confisquer leur parole et visibilisation médiatique, au bénéfice des patron·ne·s sous le feu des projecteurs de la presse. Autant de raisons pour s’organiser syndicalement afin de faire émerger un courant de lutte des classes dans ce secteur d’activité encore peu syndiqué en Suisse !
Tamara Knezevic