Ne nous libérez pas, on s'en charge
Dans le cadre des débats sur la votation de l’initiative antiburqa du 7 mars, des voix se revendiquant « féministes », se situant en fait au sein d’un féminisme dominant et libéral, s’érigent en grand·e·s défenseurs·euses des femmes musulmanes, perçues comme fatalement soumises et opprimées.
Si ces groupes se considèrent comme féministes, il semble particulièrement important de rappeler un principe fondamental du féminisme, toujours remis en question et pour lequel les féministes à travers le monde continuent de se battre : le principe d’autonomie corporelle et de droit à l’autodétermination. Si l’on croit fermement que toute personne s’identifiant comme femme doit avoir le choix par rapport à sa vie et à son corps, on ne peut tolérer une acceptation à géométrie variable de ce principe.
En outre, il semble incongru de choisir de combattre les formes de discrimination basée sur le genre par une autre forme de discrimination, renforçant le racisme et le sexisme auxquels les femmes musulmanes sont déjà soumises. Comment se prétendre féministe tout en remettant en question la capacité des femmes à faire leur propre choix ? Les femmes de confession musulmane, déjà suffisamment discriminées et sujettes à des stéréotypes ayant un impact considérable sur la réalisation de leurs droits, n’ont pas besoin que l’on décide à leur place de leur libération et émancipation, encore moins en utilisant l’appareil répressif de l’État bourgeois pour ce faire. Il convient également de rappeler ici que toute velléité d’imposer le voile ou la burqa représente la même violence sexiste que celle de les interdire.
S’attaquer aux problèmes structurels que sont le sexisme et le racisme ne peut se faire en choisissant de stigmatiser un groupe déjà lui-même discriminé. Seul un mouvement féministe intersectionnel et insurrectionnel de masse peut le faire.
Paola Salwan Daher