Éclairages sur les migrations forcées et les discriminations
La responsabilité de notre système économique mondialisé est indéniable dans l’exil forcé, tout comme celle de notre système politique dans les discriminations et les violences que vivent les personnes migrantes.
L’arrivée de migrant·e·s en Europe depuis quelques années a été décriée. Une prétendue « invasion » est invoquée pour permettre à des politiques racistes et xénophobes de laisser mourir sur les routes de l’exil des dizaines de milliers de personnes chaque année et de les maltraiter une fois à destination. Pourtant, des chiffres existent, probants, qui démystifient cette « vague » migratoire.
L’ouvrage coordonné par Calame et Fabart s’interroge sur les raisons de ces mensonges et sur les usages politiques qui peuvent en être faits. Il offre une analyse des enjeux des migrations forcées et de leurs conséquences en termes de stigmatisation et de discriminations au travers de 12 contributions.
Enjeux de l’Europe forteresse
Mesures de contrôle policier des frontières, hotspots et camps d’enfermement, externalisation des frontières européennes, criminalisation de la solidarité, entraves juridiques, répression, stigmatisation et invisibilisation des personnes exilées… En près de 230 pages, l’Europe forteresse est décortiquée au travers du regard d’une douzaine de spécialistes issu·e·s des sciences sociales, de sociologues, de juristes, de politologues, d’anthropologues, mais aussi de militant·e·s.
Les premières contributions reviennent sur les enjeux principaux liés aux migrations internationales, à l’échec de leur gestion par les organismes internationaux, ainsi qu’aux notions de « liberté de circulation » et de « droit d’hospitalité », impossibles à garantir dans ce monde régi par des souverainetés nationales.
Causes et conséquences de l’exil
Dans la suite de l’ouvrage, plusieurs auteurs·rices rendent compte des responsabilités de la mondialisation et du système capitaliste néolibéral et néocolonial dans les causes de l’exil et de leurs conséquences pour les personnes concernées. Pour la bourgeoisie, s’assurer une main-d’œuvre disponible et peu chère ici comme dans les pays du Sud est le seul moyen de garantir sa plus-value. Dans cet objectif, elle doit fabriquer et exploiter des « fantasmes migratoires », distillés au travers de discours plus ou moins ouvertement racistes pour effrayer et diviser la classe laborieuse.
Ces discours et les politiques inspirées de ces visions ont pour effet d’accroître les discriminations et la négation des droits des personnes migrantes. Rejet, invisibilité, exclusion, répression : la catégorie du migrant se définit par la négative, par l’illégalité du séjour sur un territoire. L’absence de statut condamne les personnes en exil à des conditions de vie précaires, à des violences policières et à des pressions psychiques.
Dans les derniers chapitres, les auteurs font le lien entre les migrations forcées par les catastrophes naturelles, réchauffement climatique et droit à la migration. Le rappel des combats altermondialistes conclut l’ouvrage en soulignant que seul un changement radical de système pourra prévenir la destruction de la planète… et mettre en place une politique migratoire décente.
Aude Martenot
C. Calame & A. Fabart (coord.), Migrations forcées; discriminations et exclusions. Les enjeux de politiques néocoloniales, éd. du croquant, 2020