Un féminisme antiraciste audible face à l’islamophobie

Si l’initiative anti-burqa a recueilli 51,2 % des votes, les mouvements féministe et antiraciste peuvent se féliciter d’une campagne qui aura permis de mettre en avant la voix des femmes musulmanes.

Manifestantes lors d'une manifestaion contre l'islamophobie, Genève
Manifestation contre l’islamophobie, Genève, 5 mars 2021

La déception est à la hauteur de l’enjeu : encore une fois, une initiative islamophobe passe la rampe des votations, ce qui ne peut que renforcer les discriminations subies par la population musulmane. En dépit de cette issue consternante, le camp du non peut se réjouir de sa belle campagne féministe, avec des femmes musulmanes en tête de file (organisée notamment dans le collectif des Foulards Violets). Pour la première fois, une initiative UDC islamophobe s’est vue opposer de façon audible un discours féministe et antiraciste. Bien que les médias bourgeois se soient délectés d’entretenir l’illusion de division des féministes, aucun collectif ne s’est positionné en faveur du oui

L’UDC ne peut se gausser de ce maigre 51,2 % : au fil des semaines, la part du oui à une initiative que l’on présentait comme gagnée d’avance s’est massivement érodée. Le soutien des femmes, particulièrement, a baissé de 12 % au cours de la campagne (3 % pour les hommes). Celle-ci ne fut pas anecdotique : se prononcer sur une initiative concernant les femmes musulmanes en les écoutant, c’est du jamais vu ! Le mouvement féministe est parvenu à changer la forme mais aussi la qualité du débat public. Il faut néanmoins noter que tous les cantons romands, à l’exception de Genève, ont soutenu le texte. Ceux-ci sont d’ordinaire moins enclins à plébisciter des objets islamophobes en votations et ce résultat doit nous inciter, plus que jamais, à faire de l’antiracisme une priorité.

Par notre unité, nous avons refusé l’instrumentalisation de nos luttes à des fins islamophobes. D’un côté, les Foulards Violets ont fourni engagement, expertise et détermination et elles ont brillamment défendu leur position. De l’autre, les collectifs de la Grève féministe ont cherché à mettre les militantes concernées en avant, à les imposer comme porte-paroles aux journalistes. Démontant un énième débat simpliste sur fond émotionnel, le féminisme intersectionnel a donné un cadre de rationalité aux discussions 

La sororité inconditionnelle au sein de la grève féministe s’est renforcée ces derniers mois. À Genève, la manifestation contre l’islamophobie, forte de 800 participant·e·s à deux jours de la votation, est un signe encourageant pour l’avenir de nos luttes. Cette campagne a donné un aperçu de la convergence entre les luttes féministes et antiracistes, prouvant que notre mouvement est l’une des forces politiques les plus importantes de ce pays.

Aude Spang