Dictature S.A.

Une canette de soda Liberté

Ainsi la Suisse aurait rejoint le grand cercle des pays dictatoriaux. Sans coup d’État, sans arrestations, sans militaires ou destructions massives. Le maintien par le Conseil fédéral de quelques mesures sanitaires et le report de l’ouverture des bistrots ont suffi selon certain·e·s responsables de l’UDC et du PLR à pousser le pays dans la « dictature ». Boire une bière sur une terrasse est donc devenu le marqueur des libertés fondamentales ? 

Pour tou·te·s ces patron·ne·s, la liberté du commerce et de l’industrie ne peut souffrir d’aucune entrave. Qu’elle s’appelle pandémie, salaire minimum, ou égalité salariale.

Examinons plus en détail la définition de nos ténors conservateurs·trices. « Dans une dictature une minorité décide à la place du peuple » selon Magdalena Martullo Blocher, par ailleurs directrice de EMS Chemie.

Si on part de cette définition, la question que l’on peut se poser est : la Suisse n’est-elle pas une dictature en permanence ? Dans les groupes industriels, comme celui possédé par la famille Blocher, qui contrôle les décisions des entreprises ? La minorité des patron·ne·s ou des conseils d’administration ? Ou la majorité des salarié·e·s ? Encore aujourd’hui en Suisse, un·e salarié·e licencié·e abusivement ne peut demander sa réintégration dans l’entreprise. Cela ressemble fort à un pouvoir « dictatorial ».

Récemment, dans le canton de Neuchâtel, la multinationale américaine Johnson & Johnson a licencié plus de 300 personnes, sans leur demander leur avis évidemment. Seuls les intérêts des actionnaires ont été pris en compte. La société a même refusé de rencontrer le syndicat UNIA et le Conseil d’État pour discuter d’un possible plan social. Cette attitude arrogante n’a pas fait réagir le PLR, ni l’UDC. Pourtant, cette manifestation du pouvoir patronal a des conséquences immédiates sur une partie du peuple neuchâtelois. Ces partis semblent pratiquer la défense du peuple à la carte.

Pour nous, la liberté ne se mesure pas par la poursuite des affaires ou l’accumulation de bénéfices. La liberté dans une société juste et solidaire se déclinerait en une multitude de droits sociaux, politiques et démocratiques. Ces libertés devraient pouvoir être exercées dans toutes les sphères de la société, aussi bien dans le domaine public que privé, sur les lieux de travail et de formation.

L’existence de grands groupes privés dans tous les domaines économiques est aujourd’hui un obstacle à l’exercice des droits que nous défendons. Ramener l’activité de ces groupes dans le secteur public permettrait de les contrôler démocratiquement pour les redimensionner et leur donner une autre finalité que la recherche du profit. Rendre la vie culturelle indépendante du sponsoring de grandes multinationales est aussi un objectif pour libérer la création des intérêts marchands.

Libérer la société de la domination des groupes pétroliers et extractivistes reste toujours un objectif nécessaire pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et mettre fin au pillage des ressources naturelles et à l’exploitation de la force de travail.

Le chemin de cette libération ne passera donc pas par davantage de « liberté » de commerce ou de consommation, mais par une maîtrise consciente et collective de nos activités et de notre devenir, dépassant les comportements provoqués par un conditionnement publicitaire croissant. Davantage de temps libre ne rime pas nécessairement avec surconsommation matérielle.

José Sanchez