Biden-Poutine

Quand Genève atteint le sommet de la honte !

Dès l’annonce du choix de Genève pour la rencontre, les autorités, suivies par les médias, célébraient le retour de la ville du bout du lac au centre du monde. La Genève internationale revenait à la hauteur de son glorieux passé et chacun de rappeler la rencontre entre Gorbatchev et Reagan en 1986.

Rassemblement contre le sommet Biden-Poutine, Genève, 16 juin 2021
Rassemblement contre le sommet, Genève, 16 juin 2021

Les mouvements solidaritéS, Urgence Palestine, BDS, le Groupe pour une Suisse Sans Armée, Outrage Collectif, le Silure et d’autres ont réagi immédiatement à la venue de ces marchands d’armes coupables de nombreux massacres en cours ou passés sur la planète. 

Entièrement dépendantes des ordres des délégations russe et étasunienne, les autorités genevoises ont transformé la ville en camp assiégé, fermant routes, ponts, parcs, plages, imposant le télétravail et exigeant des habitant·e·s de prouver leur identité à l’intérieur et aux abords d’une zone rouge. Barbelés, réfections à la va-vite, arrêt de travaux importants, présences militaire, policière et d’autres services dignes de la guerre froide, Genève était à genoux devant les maîtres du monde !

Les droits démocratiques ont également été mis sous cloche. Déposée par solidaritéS le 31 mai, la demande d’autorisation de manifester a donné lieu à de multiples échanges téléphoniques, y compris avec le conseiller d’État en charge de la Sécurité, mais à aucune réponse formelle jusqu’à la veille du sommet. Un communiqué de presse bien relayé par les médias du comité unitaire et soutenu par une lettre de 26 député·e·s au Grand Conseil et au Conseil National n’aura pas suffi à faire changer d’avis le Conseil d’État genevois, majoritairement à gauche : l’expression des droits démocratiques sera cantonnée à la plaine de Plainpalais. Un lieu qui ne permet pas d’être véritablement en contact avec la population locale et de faire entendre nos revendications. Cette interdiction est intervenue malgré la flexibilité montrée par le comité unitaire sur des propositions de parcours n’entravant pas le déroulement du sommet. La Coordination genevoise pour le droit de manifester a contesté cette décision d’interdiction de la manifestation.   

Cette atteinte à nos droits démocratiques, comparée au tapis rouge déployé aux deux vendeurs d’armes, a été ressentie comme une humiliation supplémentaire par les collectifs organisateurs. D’autant plus que de nombreuses communautés (kurde, éthiopienne, arménienne, syrienne, russe, notamment) ont rejoint la mobilisation du collectif, à la place des rassemblements prévus initialement devant les Nations Unies…

Une mobilisation pas simple, mais importante 

Réunissant des collectifs autonomes, antiracistes et féministes, des associations de communautés, des partis, des syndicats, des militant·e·s pour le climat, le comité ne sera pas épargné par les débats, notamment dans la rédaction de son appel. Les Vert·e·s et le PS demanderont que le comité ne soit pas « contre » le sommet en lui-même et n’appelleront à manifester qu’à la condition que le rassemblement soit autorisé. Leurs conseiller·ère·s d’État, majoritaires dans l’Exécutif cantonal, se sont aligné·e·s sans rechigner sur l’interdiction de manifester. D’ailleurs, le conseiller d’État vert Antonio Hodgers, très médiatisé lors de sa participation aux manifestations contre le G8 d’Evian en 2003, justifie sa décision en expliquant aux journalistes que le contexte politique a changé. 

Le comité unitaire a finalement réussi à réunir une trentaine d’organisations sur une base politique claire de dénonciation de toutes les formes d’impérialismes, sans les considérer d’égale puissance, et de soutien aux peuples en lutte pour leur autodétermination. Le rassemblement a également reçu de nombreux soutiens, comme celui de l’internationaliste Jean Ziegler. Des mouvements étrangers comme la France Insoumise, le NPA (France), Anticapitalistas (État espagnol) et Potere al Popolo (Italie) ont soutenu la mobilisation.

Malgré l’autorisation reçue seulement la veille au soir, soit le 16 juin, le rassemblement a réuni quelque 300 personnes. Entravé seulement par une intervention policière disproportionnée et ridicule en marge du rassemblement sur des camarades algériens venus avec des ballons de baudruche, les différentes interventions ont permis de rappeler les massacres en cours commis par les deux puissances et leurs alliés régionaux (Israël, Turquie, Arabie saoudite, Colombie…) et la nécessité de la solidarité internationale entre les peuples. 

Comme l’a rappelé notre camarade Juan Tortosa lors de son discours, le mouvement solidaritéS poursuivra la lutte internationaliste avec les peuples du monde mais aussi avec les mouvements à Genève pour que les droits démocratiques ne soient plus jamais confinés !

Thomas Vachetta