Kanaky

Lutter pour l'indépendance, lutter pour ses ressources

En décembre prochain aura lieu le dernier référendum pour l’indépendance de Kanaky, territoire français dans le Pacifique Sud. Entretien avec Mina Kherfi, représentante de l’Union syndicale des travailleurs kanaks et exploités (USKTE) en France.

Barrage routier et drapeaux indépendantistes au Kanaky
Barrage routier dans le cadre des mobilisations contre la vente de la mine sud à Trafigura, décembre 2020

Où en est la lutte pour l’indépendance de Kanaky aujourd’hui ?

En 2020 en Kanaky, la lutte s’est fortement concentrée sur la mobilisation de tout le mouvement indépendantiste uni, sous la bannière « Usine du Sud = Usine Pays », opposée à la vente de l’usine du sud de nickel, détenue par la multinationale brésilienne Vale, à de nouveaux prédateurs financiers, dont le groupe genevois Trafigura. Il s’agissait d’un combat pour la récupération des ressources minières et aussi pour l’obtention des garanties pour l’environnement. Les indépendantistes dénonçaient le pillage des ressources par les multinationales, tandis que l’État fait tout pour que l’usine du sud revienne sous son contrôle et celui des intérêts européens. Le combat a été rude : grèves, barrages, affrontements avec les forces de l’ordre, puis des arrestations et des licenciements. Aujourd’hui encore, des leaders indépendantistes sont mis·es en examen pour association de malfaiteurs. 

Et au niveau politique ?

Au niveau politique, après une crise institutionnelle de 5 mois, Louis Mapou, indépendantiste du Front de libération kanak et socialiste (FLNKS) vient d’être élu à 6 voix contre 5 à la présidence du gouvernement, tandis qu’il n’y avait pas eu d’indépendantiste à la tête du gouvernement depuis près de 40 ans. Sa tâche va être très difficile, car le dernier référendum au sujet de l’indépendance va avoir lieu dans quelques mois, le 12 décembre 2021. La date a été imposée unilatéralement et brutalement par le gouvernement français lors d’une réunion à Paris des élu·e·s calédonien·ne·s. 

Les indépendantistes s’attendaient à ce que cette dernière consultation ait lieu en 2022, après les élections présidentielles, ce qui aurait laissé le temps de vérifier les listes électorales, d’organiser une campagne sereinement, etc.

Quel rôle joue le nickel kanak dans la lutte pour l’indépendance ?

La filière du nickel est la ressource principale du territoire, qui détient près d’un quart des ressources mondiales. Pour les indépendantistes, la maîtrise de ces ressources énergétiques, de leur exploitation et de leur exportation est un enjeu central. Le nickel est un métal indispensable pour l’inox, les batteries, les éoliennes, les smartphones, etc. Donc cela attire les convoitises ! 

La lutte pour l’indépendance est indissociable de la lutte pour la souveraineté économique. L’État intervient énormément dans la ressource nickel et n’est pas prêt à lâcher un tel trésor. Il est présent financièrement, par la défiscalisation des usines du sud et du nord. Dans celle du sud, il a réinjecté 500 millions d’euros et garantit des prêts pour des mises aux normes environnementales. Il est aussi actionnaire du groupe français Eramet, qui possède la deuxième usine de l’île, la Société Le Nickel. En cas d’indépendance, l’avenir des entreprises exploitant le nickel en Nouvelle-Calédonie dépendra de la réglementation qui sera mise en vigueur, soit protectionniste, soit ouverte. 

Comment soutenir au mieux les luttes kanaks depuis la Suisse ?

Depuis les années 2008, nous avons mis en place un collectif Solidarité Kanaky en France, afin d’appuyer les luttes du peuple kanak ; notamment, les mouvements associatifs, syndicaux ou politiques qui agissent pour le droit à l’autodétermination et l’indépendance de Kanaky. Nous combattons le colonialisme. Notre objectif est de faire connaître et de comprendre la situation coloniale qui est celle de Kanaky, d’informer sur les luttes menées sur place, de soutenir les mouvements indépendantistes kanaks. Cette action s’inscrit dans le cadre d’une lutte internationaliste et anticolonialiste globale. 

Depuis septembre 2021, le collectif Solidarité Kanaky (dont font partie plusieurs partis et syndicats français) a décidé d’organiser des réunions publiques pour informer de la situation politique et sociale en Kanaky et sensibiliser la population à la question de l’indépendance. Des rencontres-échanges pourraient, par exemple, être organisées avec des réseaux anticolonialistes suisses pour informer la population sur la situation en Kanaky.

C’est aussi important de dénoncer les intérêts des multinationales suisses en Kanaky et leur complicité avec l’État colonial français. Malgré la forte mobilisation kanak contre la vente de l’usine du sud, Trafigura, une société suisse, a persisté dans l’achat de ses parts. Les Kanaks n’ont cessé de se battre contre la prédation de leurs ressources par cette société. En Suisse, il faut faire entendre leurs revendications et dénoncer sans relâche les activités indécentes de cette entreprise. 

Propos recueillis par Gabriella Lima