Dangereuse tendance réactionnaire sur les droits sexuels et reproductifs

Une loi interdisant dans les faits l’accès à l’avortement entrée en vigueur le 1er septembre au Texas ne laisse pressentir rien de bon pour le futur des droits sexuels et reproductifs aux États-Unis.

Des femmes déguisées en servante écarlate au Texas
Marche contre la nouvelle loi, Texas, septembre 2021

La loi du Sénat Texan, nomenclaturée S.B.8, signée par le Gouverneur Républicain Ted Abbot, interdit effectivement l’avortement dès six semaines de grossesse et comprend une disposition sans précédent qui encourage les individus à intenter des poursuites contre les personnes impliquées dans les procédures d’avortement – c’est-à-dire toute personne aidant une autre à avoir accès à une procédure d’avortement, du médecin à la personne conduisant le·la patient·e, est à présent susceptible d’être poursuivie en justice. La population est par ailleurs encouragée à dénoncer et à entamer des procédures judiciaires contre toute personne soupçonnée de vouloir ou d’avoir eu accès à une interruption de grossesse.

Cette loi constitue une atteinte flagrante aux droit humains les plus basiques. Elle interdit l’avortement avant même que les personnes désirant interrompre leur grossesse sachent qu’elles sont enceintes. Elle ne contient aucune exception pour les grossesses résultant de viols et/ou d’incestes ou de situations de malformations ou conditions fœtales incompatibles avec la vie post-accouchement. La seule exception contenue dans la loi permettant d’avoir accès à l’avortement au-delà de six semaines est pour raison d’urgence médicale.

Mis en danger des droits à la vie et la santé

Cette situation constitue une véritable attaque contre les droits à la vie, à l’autonomie corporelle, à la santé sexuelle et reproductive et à vivre libre de toute torture et traitements cruels, inhumains ou dégradants. Dans un État où l’accès à l’avortement était déjà fortement compromis avec 96 % des comtés du Texas ne possédant pas de cliniques pratiquant l’avortement. 90 % des personnes qui y obtiennent un avortement sont enceintes d’au moins 6 semaines.

En outre, cette loi aura un impact particulièrement néfaste sur les personnes marginalisées : les personnes aux revenus modestes, celles vivant dans les zones rurales, ainsi que celles appartenant à des minorités raciales et ethniques et les personnes migrantes seront touchées de manière disproportionnée. En effet, outre les discriminations raciales et basées sur le genre, le statut légal, et la classe, elles seront désavantagées dans la mesure où elles n’auront pas les moyens d’aller obtenir un avortement dans un autre État au cadre légal plus clément.

Ce régime légal résultera donc dans une augmentation des avortements illégaux et à risques, au péril de la santé et de la vie des personnes voulant interrompre leurs grossesses, ou encore forçant ces personnes à mener à terme des grossesses dont elles ne veulent pas, y compris celles résultant de viols et/ou d’incestes, exacerbant par-là les traumas par lesquels elles sont déjà passé et leur faisant subir des formes additionnelles de violence.

Devant cette sombre perspective, des organisations de défense du droit à l’avortement ont présenté une requête d’urgence à la Cour Suprême des États-Unis, lui demandant de bloquer la mise en application de cette loi. Cette requête qui a été refusée à une majorité de 5 juges contre 4 pour d’obscures raisons procédurales.

L’impulsion des féministes a conduit le département fédéral de la justice à explorer des poursuites judiciaires contre l’État du Texas.

À l’assaut de Roe vs Wade

L’accès à l’avortement aux États-Unis est garanti par le jugement de la Cour Suprême Roe v. Wade de 1973. Les opposant·e·s à l’avortement, les organisations religieuses et autres organisations et individus réactionnaires n’ont eu de cesse de tenter d’en restreindre et interdire l’accès. La composition actuelle de la Cour Suprême, particulièrement depuis le décès de la juge Ruth Bader Ginsburg, hâtivement remplacée par la très conservatrice et anti-avortement Amy Coney Barrett par l’administration Trump, offre une opportunité sans précédent aux courants réactionnaires pour rendre le jugement de 1973 nul et non avenu.

La loi S.B.8 s’inscrit dans un cadre global de rétrogression contre les droits sexuels et reproductifs et contre le droit à l’autonomie corporelle, dont le gouvernement Trump, d’autres gouvernements d’extrême droite, de l’Église catholique et d’autres mouvements fondamentalistes religieux, ont été et sont les fers de lance.

Face à ces assauts répétés à l’encontre de notre droit le plus fondamental à disposer de notre corps, seule la solidarité transnationale et les mobilisations intersectionnelles de masse contre les politiques et pratiques réactionnaires permettront à chaque personne de pouvoir faire ses propres choix sexuels et reproductifs, sans discrimination ni violence.

Paola Salwan Daher