L’UNIL mise en cause pour sa gestion du harcèlement sexuel
Après deux ans de demandes, revendications, témoignages, échanges et un audit, un changement de pratique semble enfin avoir lieu dans le traitement du harcèlement et du sexisme à l’Université de Lausanne (UNIL).
Fin 2019, des salarié·e·s et ex-salarié·e·s de l’UNIL ont informé le Syndicat des services publics (SSP) d’un cas très inquiétant. Dans les mois qui ont précédé, des problèmes au sein d’une unité avaient conduit le médiateur à signaler des suspicions de harcèlement, qui avaient mené à l’ouverture d’une enquête par le Groupe Impact (GI), organe chargé de la gestion des conflits et du traitement des situations de harcèlement pour l’administration cantonale.
Malgré des témoignages sans équivoque, les conclusions de l’enquête ont été plus que surprenantes. Reprises par l’ex-direction de l’UNIL (une direction qui a été renouvelée depuis, en août 2021), elles remettaient en cause la parole de nombreux·euses témoins. D’une part, en les accusant d’avoir menti, cela sans se référer à aucune forme d’établissement des faits et sans possibilité pour les personnes visées de contester ces affirmations. D’autre part, l’ex-direction de l’UNIL disqualifiait les témoignages et affirmait aussi qu’ils relevaient de propos « isolés, anciens, sortis de leur contexte ». Le 13 décembre 2019, le SSP a alors soutenu les femmes qui ont témoigné lors de cette enquête en interpellant le Département de la formation (DFJC).
Une conception intolérable du sexisme
Plusieurs discussions avec l’ex-direction de l’UNIL, le GI et le DFJC, au deuxième semestre 2020, ont permis de confirmer la profonde divergence existant entre notre conception du sexisme et du harcèlement et celle du GI et de l’ex-direction de l’UNIL. Elle révèle surtout la divergence entre leurs conceptions et celle qui est légalement acceptée.
À la suite de ces entretiens, la conseillère d’État en charge du DFJC a décidé de demander, le 14 décembre 2020, à l’ex-direction de l’UNIL de mandater un audit externe pour analyser le traitement de cette affaire.
Entretemps, le SSP a été alerté sur de nouveaux cas de harcèlement, dont le traitement par le GI et l’ex-direction de l’UNIL révélaient (en pire) les mêmes manquements totalement inacceptables dans la prise en charge des plaignantes et des témoins. Cela a conduit le syndicat à saisir à nouveau le DFJC, le 31 mars 2021.
Dans ces cas, l’attitude de l’ex-direction de l’UNIL et du GI constitue un véritable manuel de « non-lutte » contre le harcèlement. L’une des victimes, qui s’était notamment fait attraper les seins devant plusieurs témoins, a vu sa plainte (et le témoignage de sa collègue) classée par l’ex-direction de l’UNIL après une « enquête » du GI, car … l’accusé niait les faits. De même, une autre plaignante, ayant signalé à l’UNIL des faits de harcèlement (il s’agissait de la même personne), s’est vu proposer … une médiation.
Nous avons donc notamment demandé, le 31 mars puis le 27 avril 2021, la généralisation de l’audit à tous les cas de harcèlement sexuel traités par l’ex-direction et le dessaisissement immédiatement de l’ex-direction de l’UNIL et du GI du traitement de cas en cours. Ces demandes n’ont pas été satisfaites, mais l’audit a été élargi aux cas que nous dénoncions. Nous demandions que cet audit ne soit plus mandaté par l’UNIL mais par le DFJC, ce qui n’a pas été accepté.
L’audit, que nous avons reçu le 22 juillet 2021, malgré un mandat extrêmement limité donné par l’ex-direction de l’UNIL confirme ce que nous pensions de leur action ainsi que de celle du GI. Il remet fortement en question le GI et a conclu que l’ex-direction n’avait non seulement aucune obligation d’endosser tout ou partie des considérations du GI, mais surtout qu’elle aurait dû s’en distancier dans les cas audités.
Nouvelles procédures : nécessaire, mais insuffisant
Aujourd’hui, la nouvelle direction de l’UNIL met en avant les structures et procédures qu’elle compte mettre en place pour résoudre le déficit de « prise en charge des cas portés à sa connaissance ». Cela est bien entendu nécessaire, mais pas suffisant. Car l’insuffisance des procédures en vigueur ne suffit de loin pas à expliquer le traitement calamiteux de ces cas. En effet, ces cas ont montré que, indépendamment des procédures, le GI et la direction de l’UNIL de l’époque étaient tout simplement incapables de comprendre la problématique du sexisme et du harcèlement car elles ne la reconnaissent pas.
Le discrédit jeté sur les deux institutions ne peut être effacé uniquement par l’élaboration de nouvelles procédures. La nouvelle direction de l’UNIL doit gérer l’avenir mais également le passé, car, pour un certain nombre de personnes, les erreurs passées sont simplement le prologue d’un présent insupportable et d’un avenir très incertain. Quant au GI, il paraît évident qu’il ne peut plus fonctionner comme référent sur les questions de sexisme et de harcèlement sexuel.
Nous ne pouvons terminer sans rendre hommage aux femmes qui ne se sont pas laissé intimider ni décourager par l’attitude inacceptable de leur employeur et du Groupe Impact, qui étaient censés les protéger. Sans elles, rien n’aurait été possible.
Maria Pedrosa Commission féministe du SSP et membre de solidaritéS
Raphaël Ramuz Secrétaire SSP en charge des hautes écoles