Liban

Une crise politique et économique persistante

Un nouveau gouvernement a été formé à la mi-septembre 2021 par le premier ministre milliardaire Najib Miqati, avec le soutien des principaux partis néolibéraux confessionnels au pouvoir.

Les ministres du gouvernement libanais posent en rang au parlement
Le nouveau gouvernement libanais. Au centre, le milliardaire Najib Miqati, septembre 2021

Le nouveau gouvernement a notamment reçu la bénédiction de la France et de l’Iran, qui étaient tous deux actifs et impliqués dans les négociations pour sa formation. Le premier voyage à l’étranger du premier ministre nouvellement désigné a donc été effectué auprès du président français Macron à Paris. Les principales tâches de ce nouveau gouvernement sont d’organiser de nouvelles élections, qui se tiendront à la fin du mois de mars 2022, et de mettre en œuvre des « réformes économiques », c’est-à-dire de nouvelles séries de privatisations et des mesures d’austérité.

Près de deux ans après le déclenchement du soulèvement, la domination des partis au pouvoir sur de larges secteurs de la société est toujours bien en place, tandis qu’ils ont étendu certaines formes de services à leur base populaire dans un contexte d’affaiblissement continu de l’État et d’aggravation de la crise économique.

Crise économique et sociale dans le pays

En même temps, la situation socio-­économique du pays a continué à se dégrader sur tous les plans. Le taux de pauvreté a énormément augmenté, passant de 25 % en 2019, à 74 % en 2021. Le Liban a enregistré l’un des taux d’inflation les plus élevés au monde en 2021, avec une hausse de 137,8 % de l’indice des prix à la consommation entre août 2020 et août 2021, et la dévaluation de la livre libanaise de 90 % depuis le début de la crise en octobre 2019.

Les travailleurs·euses étrangers·ères soumis·es au système de la kafala, qui les prive de leurs droits civils et humains fondamentaux, ont également vu leurs conditions se détériorer considérablement. La majorité de ces travailleurs·euses sont des femmes originaires de pays d’Afrique et d’Asie du Sud-Est. De même, les réfugié·e·s syrien·ne·s continuent de subir un fort appauvrissement et différentes formes d’abus. Près de 91 % d’entre elles·eux vivent avec moins de 3,80 $ par jour.

Suites de l’explosion de 2020 et montée des tensions politiques

L’impunité des élites politiques néolibérales confessionnelles concernant l’explosion criminelle du port de Beyrouth en août 2020 se poursuit à ce jour. L’enquête sur cette affaire a été suspendue à plusieurs reprises à la suite de manœuvres de la classe dirigeante afin d’y mettre un terme et elle n’a au final incriminé aucun des ministres responsables.

De plus, de multiples témoins potentiel·le·s ont été assassiné·e·s. Cette impunité de l’élite néolibérale confessionnelle au pouvoir permet d’autres catastrophes criminelles similaires. En août 2021, une nouvelle explosion criminelle s’est produite dans le nord du pays, dans le village de Tleil dans le Akkar, faisant une trentaine de mort·e·s.

En même temps, le Hezbollah a accentué ses attaques contre le juge en charge de l’enquête, Tareq Bitar, en l’accusant de politiser l’affaire et d’être instrumentalisé par les États-Unis. Le 14 octobre dernier, un rassemblement de plusieurs centaines de partisan·e·s du Hezbollah et du mouvement Amal du président du parlement Nabih Berry a rapidement viré en scènes de guérilla, transformant des quartiers de la capitale en zones de guerre. Les affrontements ont fait sept mort·e·s, une majorité membres ou proches du camp Hezbollah et Amal. De forts soupçons pèsent sur les membres des Forces Libanaises (FL) ou de leurs sympathisant·e·s qui auraient ouvert le feu sur les manifestant·e·s d’Amal et du Hezbollah.

Cette polarisation du champ politique et cette montée des tensions confessionnelles dans le pays affaiblissent encore davantage la capacité des classes populaires à sortir de ce tête-à-tête meurtrier et réactionnaire.

Où est la résistance populaire ?

Le mouvement de protestation s’est considérablement affaibli depuis octobre 2019, même s’il ne s’est jamais complètement éteint malgré la répression étatique, la crise financière et la pandémie.

L’absence continue d’organisations et de partis de masse non confessionnels enracinés dans les classes populaires du pays reste le principal problème du mouvement de protestation. Ils n’existent pas encore et cela affaiblit la capacité du mouvement à s’organiser en un véritable défi social et politique aux partis néolibéraux confessionnels et à leur système. Les différents secteurs de la gauche et des progressistes sont très fragmentés au sein du mouvement de protestation et n’ont pas été en mesure de construire un front uni capable de canaliser les demandes et d’organiser les manifestant·e·s à travers le pays.

Dans ce contexte politique, marqué par une profonde crise économique et l’absence d’alternative politique viable, les partis confessionnels pourront mobiliser leur base confessionnelle et maintenir leur hégémonie lors des prochaines élections, qui auront lieu en mars 2022.

Joseph Daher