Nuestra Libertad

Le film qui dévoile la loi anti-avortement impitoyable du Salvador

Le 25 novembre, dans le cadre de la journée internationale
de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, le festival Filmar à Genève a programmé le film Nuestra Libertad (Fly so far) de Céline Escher.

Action des tamboreras pour le droit à l'avortement
Le 25 novembre, Les Tamboreras ont fait une performance devant le Théâtre du Grütli, à Genève, pour soutenir le combat de Teodora et de tou·te·x·s les autres afin que la liberté de l’avortement soit un droit pour les femmes du monde entier.

Ce film raconte l’histoire de Teodora et de ses compagnes de prison qui ont été condamnées à 30 ans (et plus) pour avoir fait des fausses couches au Salvador. Bouleversant et révoltant il décrit avec sensibilité et pertinence la vie de ces femmes pauvres du Salvador victimes de la politique ultra machiste du gouvernement autoritaire salvadorien qui entend imposer brutalement son contrôle sur leur corps.

Nous avons eu la chance de pouvoir rencontrer Teodora qui était présente pour soutenir le film et faire savoir au monde ce qu’il se passe dans ce petit pays d’Amérique centrale.

En 2007, alors qu’elle est au neuvième mois de grossesse et se réjouit de donner naissance à une petite fille, elle a soudain des contractions inattendues et violentes. Elle appelle les secours sept fois et s’évanouit. Quand elle se réveille aux urgences obstétriques elle n’obtient aucune information sur sa fille et est arrêtée par la police, appelée par les médecins.

Jugée pour « homicide avec circonstances aggravantes », elle est condamnée à 30 ans de prison ! C’est en prison qu’elle devra faire le deuil de sa fille attendue pendant 9 mois. Elle découvre qu’elles sont plusieurs dizaines à être incarcérées pour les mêmes causes d’accouchements prématurés ou fausses couches, et toutes ont des peines de 30 ans et plus. Teodora a déjà un fils âgé de 3 ans au moment de son arrestation, il deviendra sa raison de survivre dans cet univers carcéral dans lequel elle est censée vivre pendant 30 ans. Elle n’avait alors que 20 ans !

Grâce à des mobilisations féministes au Salvador et au niveau international elle finit par être libérée après 10 ans et sept mois; son fils qu’elle n’a pas revu depuis est alors un adolescent.

Avec elle, plus de 40 femmes sont libérées pour bonne conduite mais elles ne sont pas innocentées par l’Etat salvadorien qui les considère toujours comme coupables d’homicide aggravé. Depuis 2018, 20 femmes sont restées emprisonnées auxquelles de nouvelles se sont ajoutées entre temps.

Une Loi anti-avortement des plus répressives au monde

Le Salvador a une des lois les plus répressive du monde. Depuis 1998, cette loi interdit totalement et sans exception l’avortement, et condamne toute femme ou jeune fille ayant subi un avortement ainsi que le personnel de santé qui y aurait participé à l’emprisonnement pour de très longues années. De plus, des femmes qui ont une fausse couche, ou d’autres urgences obstétriques les amenant à perdre leur fœtus, sont inculpées d’homicide avec circonstances aggravantes et sont passibles de 30 à 50 ans de prison. à cause de cette loi un pourcentage très élevé des femmes et très jeunes filles recourent à des avortements clandestins et en meurent. Amnesty international relève également le nombre important de jeune filles enceintes décédées par suicide.

à cette injustice sexiste s’ajoute évidemment une injustice de classe car ce ne sont que les femmes pauvres qui subissent, les femmes aisées pouvant se rendre à l’étranger et dans des cliniques privées.

Au début décembre, la Cour Interaméricaine saisie pour un cas similaire à celui de Teodora a jugé les peines infligées disproportionnées et a désavoué le gouvernement salvadorien. Cela représente une victoire d’étape importance pour en finir avec ces pratiques judiciaires inadmissibles et violentes subies par les femmes.

Le droit à l’avortement est un combat essentiel !

Le droit à l’avortement est remis en question ou annulé dans de nombreux pays. On peut constater que tous les états autoritaires ou dictatoriaux prennent le contrôle sur le corps des femmes enceintes et imposent la criminalisation de l’avortement. C’est donc une lutte essentielle pour les mouvements féministes comme pour tous les courants politiques et associatifs qui veulent combattre à la fois ces états autoritaires et lutter pour le respect des droits des femmes et le contrôle sur leur propre corps. Ces luttes sont intimement liées.
Aujourd’hui, Teodora tente de sensibiliser la population salvadorienne et celle du monde à l’horreur vécue par ces femmes au Salvador. Car, dit-elle, « le gouvernement salvadorien doit savoir que quoi qu’il se passe dans ce pays, le reste du monde le saura ! ».

Francoise Nyffeler

Le film est en replay sur rts.ch/play sous le titre Fly sor far.