Flexibilisation: le bluff des 36 heures





Flexibilisation

Le bluff des 36 heures

Le 3 mars, les électeurs/trices suisses sont appelés à se prononcer sur l´initiative de l´USS dite «Pour une durée du travail réduite». Celle-ci prévoit:

  • L´annualisation du temps de travail maximum, fixé à 1872 heures.
  • Un quota de 100 heures de travail supplémentaires, compensées en règle générale par du temps libre et reportables sur l´année suivante.
  • La durée maximale de la semaine de travail est fixée à 48h., travail supplémentaire en sus.
  • Les salarié-e-s à temps partiel ne doivent subir aucune discrimination à l´embauche, dans le travail, la formation continue ou les assurances.
  • Le plancher des 1872 h. sera atteint progressivement, par paliers, d´ici 2009.
  • Pas de réduction des salaires inférieurs et moyens (jusqu´à 150% du salaire moyen versé en Suisse, soit 7600 Fr.)
  • Aide financière fédérale aux entreprises qui réduisent la durée du travail d´au moins 10% en 1 an et s´engagent à créer ou à maintenir des postes.

Votez NON!


Aujourd´hui, le temps de travail moyen est de 41,8h. par semaine. L´horaire hebdomadaire maximum légal est de 45h (50h. pour certaines branches). Cela fait donc 2340h. à 2600h. par an (moins les vacances et jours fériés). Le quota d´heures de travail supplémentaire ne doit pas dépasser 140 à 170h. Une semaine de travail ne devrait en aucun cas excéder 66h. Dans le travail au noir, on trouve pourtant des semaines de 92h., ou des périodes de 21 jours de 12h. sans un jour de repos… en violation de la loi et des conventions collectives.



Le marché du travail suisse est ultra-flexible et les infractions à des dispositions légales quasi-inexistantes ne sont guère sanctionnées. Le temps de travail effectif est élevé, pourtant, les heures supplémentaires sont nombreuses (164 millions déclarées en 2000) et de plus en plus non payées ou payées au tarif normal. Il n´existe pas de protection contre les licenciements. Les conventions collectives sont très lacunaires et souvent violées. Le travail au noir se généralise, profitant des statuts les plus fragiles (sans-papiers)… Les temps partiels, plus précaires aussi, montent en flèche, surtout parmi les femmes, etc. Cette pression croissante sur les salarié-e-s a des incidences inquiétantes sur leur état de santé (cf. solidaritéS, n° 3).



En réalité, on estime qu´en Suisse, la productivité du travail a crû beaucoup plus rapidement au cours des années 90, que les salaires réels! La réduction générale et rapide du temps de travail journalier et hebdomadaire, sans réduction de salaire et avec embauche compensatoire, apparaît donc comme une urgence absolue pour l´ensemble des salarié-e-s, surtout en période de reprise du chômage. En même temps, la régulation légale et conventionnelle du temps de travail doit être renforcée, comme le contrôle des pratiques patronales effectives sur le terrain, ce qui suppose un syndicat fortement implanté dans l´entreprise et une solidarité active entre hommes et femmes, de même qu´entre Suisses et étrangers, quels que soient leurs statuts. Ceci implique la conquête de véritable droits collectif réglant le temps de travail.



Or, contrairement à ce que claironnent la presse, les milieux patronaux et l´USS… l´initiative «pour une durée du travail réduite» ne fait jamais mention des 36h. L´argumentaire de l´USS s´en explique clairement: «La détermination de la durée maximale annuelle du travail en lieu et place de l´horaire hebdomadaire renforce le potentiel d´aménagement.» Dans le même esprit, la réduction annoncée est extrêmement lente (sur 8 ans). Le quota d´heures supplémentaires reste élevé et transférable d´une année sur l´autre. Enfin, il n´est pas question de maintenir ou de créer des emplois, sauf dans des cas exceptionnels, avec l´aide de fonds publics. (jb)

Chronique d´une capitulation annoncée


1993 l´article de crise de la convention collective de l´industrie des machines prévoit les 45h. payées 40 et la suppression partielle ou totale du 13e mois. Comme le constate le service de presse du PSS du 30 septembre 1994, cela n´aura servi qu´à «faire pression sur les travailleurs». On ne pouvait pas mieux préparer le second projet de révision de la loi sur le travail, marquée par la flexibilisation des horaires selon les besoins des entreprises.



1998 Révision de la loi sur le travail acceptée par le PSS et l´USS. Début du travail de nuit repoussé de 20h. à 23h. (plus de compensations salariales dans cette tranche horaire). Levée de l´interdiction du travail de nuit pour les femmes, du dimanche pour les femmes et les jeunes, ainsi que de l´embauche des enfants (13-15 ans) dans la pub et autre McDo.



1999 Les ordonnances d´application de la loi sur le travail aggravent ses effets sur la flexibilisation des horaires: quasi-levée des interdictions du travail de nuit et du dimanche, facilitation du travail supplémentaire (au-delà des 45h. et 50h. légales).



2000 Accords signés par le SIB dans le bâtiment, à l´issue d´une mobilisation des salarié-e-s pour une augmentation unitaire de 200 Fr. Résultat: 100 Fr. de plus, avec introduction du salaire au mérie et ouverture à une flexibilisation accrue des horaires.



2001 La nouvelle CCT de la Poste introduit une semaine moyenne de 41h. (en réalité 42h. avec «généralement» une semaine de congé supplémentaire). Au-delà de 42h., les heures supplémentaires sont compensées par des congés équivalents. Le temps de travail normal se situe entre 6h. et 20h. (avec extension possible dans certains services). La moyenne de 42h. est planifiée sur une année (avec des aménagements possibles en cas dew nouveaux besoins de l´entreprise), avec des pointes possibles de 50h. et plus. Des reports sont possibles sur l´année suivante. C´est tout l´esprit de l´initiative de l´USS, la réduction à pas de tortue du temps de travail annuel en moins… Aux CFF, la nouvelle CCT signée par le syndicat SEV prévoit des marges de flexibilité de +150h. à -60h. sur quelques mois. 20 différentes catégories de temps de travail sont prévues. (jb)