Dans les urnes, comme dans la rue... contre les privatisations et la guerre

Dans les urnes, comme dans la rue… contre les privatisations et la guerre

Dimanche 25 janvier, à Londres, 1500 personnes ont participé à l’assemblée publique de fondation d’une nouvelle coalition de la gauche radicale en Angleterre et au pays de Galles. La nouvelle force s’appelle RESPECT – Coalition pour l’unité et se prépare à contester les élections locales (en particulier à Londres) et européennes, le 10 juin prochain. En Ecosse, ce sont nos camarades du Scottish Socialist Party qui porteront le flambeau d’une résistance de gauche à la politique blairiste.

La nouvelle coalition rassemblant la gauche conséquente anglaise et galloise s’est unie sous le nom de RESPECT – Respect, Egalité, Socialisme, Paix, Environnement, Communauté, Trade-unions [syndicats]. Un acronyme qui reflète la pluralité de ses composantes. Cette coalition est l’un des fruits de l’expérience du mouvement anti-guerre britannique depuis 2001. C’est la construction unitaire de ce mouvement massif, dans un climat de confiance, qui a permis de rassembler dans une alliance politique des militant-e-s associatifs, des syndicalistes combatifs, engagés dans des luttes très dure en rupture avec le New Labour, des courants divers de la gauche anticapitaliste, déjà rassemblés dans le cadre de la Socialist Alliance, et des représentant-e-s de la communauté musulmane immigrée.

Vers un «référendum» contre Bush et Blair…

Lors de l’assemblée, George Galloway, député aux Communes, exclu du parti travailliste en octobre dernier pour s’être opposé à la guerre contre l’Irak, a appelé à transformer les scrutins de juin en «référendum contre Bush et Blair, les privatisations et la guerre». Parmi les autres orateurs-trices, on peut relever Mark Serwotka, secrétaire général du syndicat de la fonction publique (PCS), des femmes comme Salma Yaqoob ou Lindsay German, figures de proue du mouvement anti-guerre, John Rees, l’un des dirigeants du Socialist Worker Party (SWP) – principale force de gauche anticapitaliste radicale en Angleterre –, un représentant de l’Association des musulmans de Grande-Bretagne (MAB) et Tommy Sheridan, président du Scottish Socialist Party (SSP, écossais).

Une plate-forme de résistance

La plate-forme adoptée par RESPECT exige la fin de la guerre et de l’occupation de l’Irak, affirme un engagement à s’opposer à toute future guerre impérialiste et exprime son soutien à la lutte du peuple palestinien ainsi que le refus du système d’apartheid auquel il est confronté.

Elle s’oppose aux privatisations, appelle à la défense et à l’extension des services publics et réclame le retour dans un service public, contrôlé démocratiquement, des chemins de fers et des autres services privatisés. Elle revendique en particulier un système d’éducation gratuit, égalitaire et démocratique, du jardin d’enfant à l’université, dont l’accès pour toutes et tous ne soit pas conditionné par les moyens financiers des parents, comme aussi un système de santé et de soins publics contrôlé démocratiquement et gratuit. Elle se prononce pour l’indexation des retraites et un impôt sur les grandes fortunes pour contribuer à réduire l’écart croissant entre les plus riches et les plus pauvres.

Elle revendique l’abrogation des lois antisyndicales britanniques, parmi les plus réactionnaires d’Europe, comme aussi le refus de toutes les attaques contre les libertés et les droits démocratiques, en particulier celles entreprises au nom de la prétendue «guerre contre le terrorisme».

Elle prend position en faveur de la défense des droits des réfugié-e-s et des demandeurs d’asile. La plate-forme proclame en outre l’opposition de RESPECT à «toute forme de discrimination sur la base de la race, du sexe, de l’ethnie, des croyances religieuses (ou de l’absence de telles croyances), de l’orientation sexuelle, de l’origine nationale».

Dans la perspective d’un possible référendum sur l’adhésion du Royaume-Uni à l’euro, la nouvelle coalition annonce sa ferme opposition «à la droite xénophobe anti-européenne», tout en appelant à voter NON pour exprimer son rejet de l’Europe néolibérale.

Elle se prononce contre «la destruction de l’environnement par les Etats et les multinationales pour lesquels le profit passe avant la défense de la nature base de toute vie.»

Enfin, la plate-forme se conclut ainsi: «Nous voulons un monde où les revendications démocratiques des peuples seront réalisées, un monde basé sur la satisfaction des besoins humains et non pas sur la recherche du profit, un monde dont l’esprit sera celui de la solidarité et non pas celui de l’égoïsme.»

La convention a élu une direction provisoire d’une vingtaine de personnes parmi lesquelles se trouvent, outre des personnalités déjà citées, le réalisateur connu Ken Loach, des dirigeants du syndicat des pompiers (FBU) et des représentant-e-s de la communauté musulmane. Une conférence nationale, après les élections de juin devrait débattre des formes d’organisation et de mobilisation à trouver pour continuer ce combat dans la durée.

Voix critiques

Certaines voix critiques se sont élevées, à gauche, contre la coalition RESPECT. D’un côté, celle de divers groupes de la gauche radicale critiquant l’«abandon» par RESPECT d’une perspective explicitement socialiste et républicaine (rappelons que le Royaume-Uni est… une monarchie), au profit d’une plate-forme large de résistance. De l’autre, le PC britannique historique, qui n’a plus guère d’existence sur le terrain, mais qui publie toujours son quotidien Morning Star. Ce parti a tenu un «Congrès spécial» une semaine avant l’assemblée fondatrice de RESPECT, où il critique ce projet… pour son «sectarisme» et son «étroitesse» et réaffirme son intention surréaliste de «régénérer» le New Labour blairiste pour le remettre au service des travailleurs.

Pour solidaritéS, la création d’un front d’opposition qui défende des idées de gauche conséquente, qui mette au centre de son combat la résistance, y compris dans les urnes, aux contre-réformes néolibérales – avec ou sans «emballage» social-libéral – est une condition nécessaire pour rendre crédible toute propagande en faveur de nos idées socialistes. C’est l’esprit qui anime – modestement – notre participation, en Suisse, à l’Appel «A gauche toute!» que nous avons contribué à initier. Quant à l’idée qu’on puisse assister à une résurrection progressiste du parti de Tony Blair, autant brûler des cierges… pour que notre ministre «socialiste» Moritz Leuenberger se transforme en défenseur du service public.

Pierre VANEK