De la nécessité des féminismes internationalistes

Des manifestantes tiennent une banderole contre la guerre en Ukraine
Manifestation contre la guerre en Ukraine, Genève, 5 mars 2022

Le 8 mars 1917, les ouvrières de l’industrie textile de Petrograd se mettaient en grève. Sous l’impulsion de femmes socialistes telles que Clara Zetkin et Alexandra Kollontaï, pionnières de l’inscription des questions féministes au cœur des luttes anticapitalistes. Ce jour deviendra la journée internationale de lutte pour les droits des femmes et donnera l’impulsion pour le renversement du régime tsariste par les bolchéviques. Un siècle plus tard, dans un contexte global de capitalisme qui maintient sa survie à coup de guerres, d’oppressions et d’exploitation, les féministes révolutionnaires continuent de lutter pour un renversement des dynamiques de pouvoir patriarcales. 

Face à une instrumentalisation et à une dépolitisation des questions féministes toujours croissantes, qui ramènent ces questions à de simples problèmes de parité au sein d’institutions intrinsèquement spoliatrices et inégalitaires, les féministes révolutionnaires continuent d’inscrire leurs luttes dans une perspective subversive, anticapitaliste et intersectionnelle. 

Le but étant non pas d’augmen­ter les effectifs féminins et de minorités au sein de structures patriarcales, capitalistes, racistes et sexistes, mais de radicalement transformer et/ou d’abolir ces institutions.

Ces dernières années ont vu la résurgence de féminismes mettant en avant la pratique de la solidarité transnationale, de fronts unis avec différents mouvements de justice sociale et de convergence des luttes, notamment anticapitalistes, antiracistes, environnementales, queers et anti-validistes. 

Loin des mesures cosmétiques et soi-disant apolitiques du féminisme dominant et libéral, qui ne concèdent que des miettes aux femmes et aux populations marginalisées que dans un but d’en faire une force de travail précarisée et corvéable à merci, les féministes révolutionnaires ont choisi une autre voie. Elles utilisent la grève, l’occupation de l’espace public, la remise en question des modèles patriarcaux et hétéronormatifs dans leurs relations interpersonnelles, le refus de la charge disproportionnée du travail reproductif, exacerbé suite à la pandémie du Covid et les activités artistiques. Ces tactiques, parmi d’autres, leur permettent d’établir des rapports de force avec les structures oppressives du pouvoir patriarcal et capitaliste afin de les renverser. 

Les mouvements féministes anti-guerre en Russie appelant les féministes du monde entier à s’unir à leur manifeste contre l’agression militaire déclenchée par le gouvernement de Vladimir Poutine ; la déferlante verte en Amérique du Sud, qui lutte pour la libéralisation et la dépénalisation de l’avortement, conseillant les féministes étasuniennes face aux menaces qui pèsent sur leurs droits reproductifs ; les mouvements de solidarité transnationale appelant à la libération d’activistes féministes emprisonnées de par le monde pour leur travail : ce ne sont là que d’infimes exemples à la fois de la nécessité et de l’impact du caractère transnational des mouvements féministes. 

Que la commémoration du 8 mars dernier nous redonne l’impulsion, la force et le courage de nous unir au-delà des frontières contre toutes formes d’oppression !

Paola Salwan Daher