30 h d’études + 10 h de révision + 20 h de Migros = épuisement!

Après les livreur·euse·s de Smood, dont Migros est actionnaire et principal client, c’est à ses employé·e·s étudiant·e·s que le géant du commerce de détail s’attaque. D’un nombre d’heures de travail fixe, leur nouveau contrat prévoit notamment une forte flexibilisation de leur temps de travail. À signer dans un délai très court sous peine d’être viré, sans période de consultation, et cela en pleine session d’examen.

Des employé·e·s se sont organisé·e·s avec l’aide d’Unia en informant leurs collègues et en organisant une conférence de presse devant la Migros de la Gare Cornavin. Saisie suite à cette mobilisation, la Chambre des relations collectives de travail aurait suspendu ces nouveaux contrats et ouvert une période de consultation. Entretien avec Marcel (prénom d’emprunt), employé étudiant de Migros.

Des étudiants protestent contre la politique d’emploi de la Migros
Conférence de presse avec les étudiant·e·s salarié·e·s devant la Migros Cornavin, 21 juin 2022

Migros Genève vous a annoncé il y a quelques semaines un changement de contrat important pour tous ses employé·e·s et étudiant·e·s.

Oui, durant un briefing plutôt informel, le manager nous a annoncé l’envoi par la poste d’un nouveau contrat de travail que nous devions signer dans les douze jours, en pleine période d’examens, sans quoi ils mettraient fin à notre relation de travail.

Que contient ce nouveau contrat ?

Il prévoit une forte flexibilisation du temps de travail. Alors que nous avons tous un taux horaire fixe de 8, 10 ou 12 heures par semaine, le nouveau contrat prévoit un taux horaire flexible de 8 h à 20 h pour les Suisses et détenteurs d’un permis C et de 8 h à 15 h pour les autres. C’est problématique dans la mesure où un·e étudiant·e pourrait se voir obligé de travailler jusqu’à 20 heures par semaine alors qu’il·elle a d’autres obligations (universitaires, familiales, etc.). 

Des heures sup se font déjà fréquemment, mais avec un taux horaire fixe, l’étudiant·e est en mesure de pouvoir dire non. Le nouveau contrat exclut cette possibilité. À l’inverse, un·e étudiant·e pourrait voir son horaire abaissé à 8 heures par semaine ce qui engendrerait une forte baisse de revenu.

Un autre point est la possibilité pour l’entreprise de déplacer ses collaborateurs·trices d’un magasin à l’autre. Là aussi nous demandons des garanties pour qu’un·e étudiant·e ne puisse être changé·e d’unité sans concertation. 

Ce changement de contrat a-t-il tout de suite suscité de la méfiance parmi les employé·e·s ?

Face à cet ultimatum, nous nous sommes interrogé·e·s sur le procédé. Une étudiante a très vite demandé si le licenciement ne devait pas respecter un délai de préavis. Un autre étudiant (en droit) si un employeur pouvait imposer un nouveau contrat unilatéralement en modifiant plusieurs points substantiels. Pour ma part, je me suis demandé si cela constituait un licenciement collectif. Je leur ai donc demandé combien d’étudiant·e·s seraient impacté·e·s et si la commission du personnel avait été informée.

Comment vous est venu l’idée de prendre rapidement contact avec un syndicat ?

En 2020, Migros nous avait déjà fait signer un avenant au contrat d’une façon douteuse. Le jour même, sur le lieu de travail, nous étions tou·te·s invité·e·s à signer le document qui nous obligeait à travailler les dimanches et jours fériés. 

Sur le moment, les étudiant·e·s se sont tou·te·s dit que la façon de faire n’était pas correcte, sans toutefois s’inquiéter d’un quelconque vice au regard de la loi. Quelques jours plus tard, un secrétaire syndical d’Unia confirmait que la procédure n’avait pas été respectée. Mais en pleine crise du Covid, nous étions concentré·e·s sur une autre problématique chez Migros : l’interdiction du port du masque de protection. Une interdiction levée grâce à la mobilisation d’une grande partie des étudiant·e·s de la Migros Cornavin et l’aide d’Unia.

Face à ce qui nous semblait être un énième abus de la part de la direction Migros et après avoir consulté quelques étudiant·e·s, nous nous sommes naturellement tourné·e·s vers le syndicat qui nous avait aidé deux ans auparavant. Très vite, Unia a remarqué un manquement au droit et nous a aidé·e dans nos démarches. 

Comment avez-vous réussi à mobiliser vos collègues ?

Tout d’abord, nous étions très surpris·es d’apprendre que nous sommes 323 étudiant·e·s à travailler chez Migros Genève. Même si la médiatisation nous a aidé, partir à leur rencontre n’a pas été simple, il nous a fallu nous rendre dans plusieurs magasins afin de relever leur ressenti face à ce nouveau contrat et de leur demander s’ils·elles voulaient nous appuyer dans nos démarches. Certain·e·s craignaient de s’attaquer au géant Migros, d’être réprimandé·e·s par leurs supérieur·e·s ou même de perdre leur emploi. Heureusement, ils·elles représentent une minorité des étudiant·e·s que nous avons rencontré·e.

Où en êtes-vous actuellement ?

Nos revendications sont très simples : que la loi soit respectée. Nous demandons donc une consultation des étudiant·e·s qui se réuniront en assemblée afin de décider si le nouveau contrat serait signé en l’état ou modifié. 

Avez-vous signé entre temps le nouveau contrat ?

Personnellement, je n’ai pas signé ce nouveau contrat mais plusieurs étudiant·e·s l’ont signé par peur de perdre leur travail. En effet, la consigne de Migros était claire : signer ou prendre la porte.

Que penses-tu que ce type de mobilisation rend possible ?

Aujourd’hui, les employeurs tentent d’imposer la flexibilisation comme une norme. Ce type de mobilisation est donc primordial face à de grandes sociétés telles que Migros, Smood ou Uber. La précarisation doit être dénoncée par une forte mobilisation des travailleurs·euses concernés. 

Propos recueillis après l’action par Teo Frei