Le laid marché

Fin juin, Le Temps et Heidi.news ont dévoilé les marges pratiquées par la Migros et la Coop sur certains produits laitiers. Le prix en magasin est souvent le double de celui payé à un distributeur. Si ces chiffres sont choquants, ils ne confirment de fait que ce que les agriculteurices savaient déjà : les « coopératives » Migros et Coop font leur beurre sur leur dos.

Guy Parmelin en visite dans une ferme
Guy Parmelin constate les effets de la politique de son parti, 1er août 2020
USP

En Suisse, les producteurices de lait sont payé·e·s entre 55 et 80 centimes par litre, selon l’usage que l’acheteur va en faire. Face à la hausse des prix des intrants, même la revendication d’un franc par litre, revendiquée lors de la grève du lait de 2008 et appliquée sur le lait « équitable », est insuffisante. Le coût de production est bien supérieur. 

Comment les producteurices s’en sortent-iels ? D’abord, une partie ne s’en sort plus et met la clé sous la porte de l’étable ou se reconvertit. Plus de la moitié des exploitations ont disparu en vingt ans. D’autre part, les exploitations agricoles sont largement subventionnées par l’État au moyen des « paiements directs ». Chaque année, la Confédération verse 2,8 milliards pour diverses « prestations d’intérêt général », dont la sécurité de l’approvisionnement alimentaire. 

Ce sont ainsi nos impôts qui financent la Coop et la Migros. Ces entreprises géantes, adeptes du « coopérativewashing », ont réalisé en 2021 un bénéfice de 559 et 668 millions de francs respectivement. À la Migros, chaque membre du Conseil d’administration touche 2900 francs pour une séance d’une journée. La présidente de ce Conseil gagne presque autant qu’un·e Conseiller·ère fédéral·e. À quand un référendum auprès des coopérateurices sur les prix payés aux producteurices ?

Le marché comme seul horizon ?

Malheureusement, rien ne changera tant que la majorité du monde agricole soutiendra une politique libérale. La principale organisation paysanne, l’Union suisse des paysans (USP), est un bastion des partis  bourgeois. Elle défend par principe tous les accords de libre-échange signés par la Suisse, comme lors du référendum sur celui entre la Suisse et l’Indonésie de 2021. La méfiance, voire la haine envers les politiques de gauche en matière d’agriculture est entretenue par l’UDC et le PLR, qui soumettent ainsi l’un de leurs bastions électoraux à la terrible loi du marché. Le Blick vient de révéler comment l’USP, EconomieSuisse et le partis bourgeois concluent des accords financiers pour les campagnes de votation.

Dans les villages et les champs, on voit fleurir ces jours des banderoles contre l’initiative sur l’élevage intensif, qui demande simplement que les animaux de rente soient élevés selon les normes de Bio suisse et cela d’ici… 25 ans. L’un des arguments de l’USP contre l’initiative est que « Tout secteur économique a intérêt à axer son activité sur les besoins du marché. L’initiative va à l’encontre de ce principe, car elle conduit à une réglementation de l’offre par l’État.» 

À la suite de l’enquête du Temps, le syndicat Uniterre écrit dans son communiqué que « Le temps est venu de légiférer pour assurer l’information, la participation effective des paysan·ne·s et des consommateurs·trices dans la politique alimentaire. L’Italie et l’Espagne ont interdit l’achat des produits agricoles aux paysan·nes en dessous du coût de revient.» 

Paysan·ne·s, faites votre choix.

Niels Wehrspann