Coupe du monde au Qatar

Quel respect, quelles «valeurs» ?

Anthony Blinken et Mohammed bin Abdulrahman Al Thani signent un partenariat stratégique
Le 22 novembre 2022, le Secrétaire d’État étasunien a signé un partenariat stratégique avec son homologie Qatari. Avant d’aller assister au martch de la «team USA».

Face aux multiples critiques adressées à l’organisation de la Coupe du monde au Qatar pour ses violations des droits humains, la notion de « respect de la culture locale et de ses valeurs » a souvent été mise en avant. Soit pour justifier le déni de droits des travailleurs·euses migrant·e·s, des femmes et des personnes LGBTQIA+, soit pour éviter de prendre position et de dénoncer ces violations.

D’un côté, les dirigeants du Qatar ont réitéré à plusieurs reprises qu’il faut « que l’on respecte leur culture »… C’est-à-dire, selon des déclarations officielles, de considérer l’homosexualité d’acte haram et comme une « déviance mentale ». De même, les dirigeants de l’Émirat ont dénoncé la couverture médiatique des conditions de vie (et de mort) des travailleurs·euses migrant·e·s comme «islamophobe». 

De l’autre, plusieurs équipes participant à la Coupe du monde ont prôné le même «respect de la culture» du pays hôte. Interrogé sur le port d’un brassard en faveur de l’inclusion durant le Mondial, le capitaine de l’équipe de France Hugo Lloris a répondu que « lorsqu’on accueille des étrangers en France, on a souvent l’envie qu’ils se prêtent à nos règles et respectent notre culture. J’en ferai de même lorsque j’irai au Qatar. Je peux être d’accord ou pas d’accord avec leurs idées mais je dois montrer du respect par rapport à cela »

Ces positions sont toutes porteuses d’essentialisme culturel. Le message est clair : il y aurait donc des sociétés « occidentales progressistes » face à des sociétés du «sud réactionnaire».

Mais les droits démocratiques acquis dans les pays occidentaux ne sont pas le résultat d’une « culture » innée progressiste, mais des luttes, souvent sanglantes, passées et en cours. En Europe, depuis le 19e siècle, les droits de vote – d’abord pour les hommes puis pour les femmes – des travailleurs·euses, des femmes et des personnes LGBTQIA+ n’ont pas été accordés par des classes dirigeantes éclairées et soucieuses du bien être des classes populaires. Ils ont été conquis par des luttes émancipatrices. D’ailleurs, les attaques et offensives permanentes des mouvements conservateurs et réactionnaires contre ces droits acquis, en Europe et aux États-Unis, démontrent qu’il ne s’agit pas de « valeurs intemporelles ».

De même, les discriminations légales contre les femmes, les personnes LGBTQIA+ et l’absence de droits de travailleurs·euses dans de nombreux États du «sud global», ne sont pas le reflet d’une quelconque « culture » ou de « valeurs » intemporelles. Elles sont le corollaire des différents moyens de répression et d’oppressions qui permettent de diviser et exploiter encore davantage les travailleurs·euses et classes populaires. Les dirigeant·e·s des pays du Sud Global sont d’ailleurs souvent des allié·e·s des États occidentaux qui profitent justement de cette exploitation. Le Qatar accueille par exemple la plus grande base militaire étasunienne du Moyen-Orient.  

L’exigence du respect de la «culture et des valeurs» n’est donc pas celle du respect envers les sociétés locales. C’est un acte de soumission aux dirigeant·e·s autoritaires et leurs soutiens dans les États occidentaux.

Joseph Daher