Royaume-Uni

Véto historique contre les droits trans

Jamais depuis la création du parlement écossais en 1999 une chose pareille n’était arrivée : un véto est imposé sur une de ses lois par l’Angleterre. Cet affront contre la démocratie contribue à raviver les volontés d’indépendance. La loi en question ? Une procédure facilitée de changement de genre légal, bloquée le 17 janvier.

Manifestation pour le droit des personnes trans
Manifestation contre le bloquage de la loi facilitant le changement de genre légal, Londres, 21 janvier 2023

Comment une loi certes progressiste mais aussi peu révolutionnaire a-t-elle pu engendrer un tel chaos ? Nous ne parlons pas d’un changement majeur mais d’une mise à niveau par rapport à d’autres pays tels que la Suisse, c’est-à-dire que les personnes trans ne doivent plus présenter de rapports médicaux mais s’annoncer à l’État civil avec des critères réduits pour avoir de nouveaux documents. Le Royaume-Uni faisant partie des pays où ces procédures sont particulièrement pénibles et où le parcours médical est atroce, il n’est pas étonnant que l’Écosse, plus à gauche que Westminster, ait lancé une réforme nationale. C’était sans compter un paysage politique et médiatique rongé par la transphobie.

TERF Island

Le Royaume-Uni occupe une place centrale dans la mobilisation anti-trans. Les mouvements y sont très bien organisés, comptent de nombreux soutiens dont l’autrice J. K. Rowling et ont su rallier à leur cause des cautions issues des rangs de la gauche. C’est un véritable tour de force: les liens avec l’extrême droite sont nombreux mais même les sociaux-démocrates s’enfoncent dans une transphobie crasse, décomplexé·e·s par le cadrage du débat qu’ont réussi à imposer les mouvements transphobes. Ainsi, la BBC, The Guardian et d’autres relaient une narration opposant les droits des personnes trans et les femmes cis qui souhaitent garder leurs espaces non mixtes, par peur d’y voir arriver des hommes déguisés qui seraient là pour les violenter. 

Le véritable débat n’est pas là vu qu’il n’y a pas d’opposition à faire entre féminisme et droits trans. Mais il n’empêche que sous couvert des lois d’égalité homme-femmes et de considérations administratives, le gouvernement de Rishi Sunak a bloqué cette nouvelle loi. D’autant plus choquant, le silence du Labour anglais sur la question.

Un regain d’indépendance

La machine médiatique est donc bien en marche et le débat s’envenime encore. La première ministre écossaise Nicola Sturgeon a annoncé un appel contre cette décision antidémocratique, jugeant que ce véto pourrait en annoncer d’autres. Les perspectives d’un nouveau référendum pour l’indépendance du pays sont malheureusement faibles, dues à des décisions de la Cour Suprême anglaise. Mais la guerre est désormais déclarée et nous ne pouvons qu’apporter notre soutien aux camarades indépendantistes. D’autant plus dans une période où l’on joue avec les personnes trans comme objets politiques alors que l’austérité fait rage, que l’inflation atteint des records historiques et que d’énormes grèves ont lieu. 

Seb Zürcher

Un Parcours presque impossible

Les personnes trans au Royaume-Uni font face à un système déshumanisant et extrêmement difficile quand il s’agit d’entamer une transition. Il est certain que c’est le cas dans une majorité de pays, mais des spécificités propres au Royaume-Uni posent énormément de problèmes. 

Tout d’abord du côté médical. Plutôt que de fonctionner avec des spécialistes établis, le Royaume-Uni fonctionne avec des gender clinics (clinique du genre) qui ne sont accessibles que sur diagnostic de dysphorie de genre et délégation d’un·x·e généraliste. Si l’idée de faire des centres de compétences transversaux n’est pas si mauvaise, le problème est leur accessibilité. Pour l’Angleterre, il n’en existe que sept pour les adultes et une pour les mineur·x·e·s, qui va bientôt être fermée. En dehors des questions d’accessibilité liées aux distances, c’est surtout les temps d’attente qui sont choquants : une des cliniques, celle de Sheffield, voit en ce moment les patient·x·e·s référé·x·e·s en… 2018.

La situation est particulièrement dramatique, les personnes trans étant forcées de passer sur des modèles de santé privé si elles en ont les moyens ou d’obtenir des hormones sur le marché gris. Pour les plus jeunes, les opportunités médicales disparaissent les unes après les autres. Désormais, le National Health Service parle de la dysphorie chez les jeunes comme d’un phénomène « transitoire » et a interdit les bloqueurs de puberté.

Sachant qu’il faut avoir transitionné socialement pendant au moins deux ans et disposer d’un diagnostic médical de dysphorie de genre pour obtenir un certificat de reconnaissance de genre (le GRC), c’est particulièrement compliqué. De plus, Westminster envisage désormais de ne plus reconnaître des certificats établis dans des pays – comme la Suisse – où ces procédures ne sont pas aussi draconiennes. Cela pourrait être une forme d’interdiction de voyage pour des personnes trans, notamment binationales.

SZ