L’inclusivité tient salon

Le Salon des disperséexs s’est tenu du 25 au 26 mars 2023 à Genève. Ce fut l’occasion de découvrir et échanger autour de projets portés par une cinquantaine de maisons d’édition, d’artistes, de marques de vêtements et collectifs.

Des enfants assis devant une conteuse qui leur montre un livre
Le Salon des disperséexs proposait des activités pour les enfants.

Les organisateuricexs Flavio Gorgone, Manon Saada Russo et Ramaya Tegegne de la libraire La Dispersion sont raviexs du succès de cette première édition. Nous avons échangé avec Manon Saada Russo. 

Il s’agit d’une première édition. Comment vous est venue l’idée de vous lancer dans un salon ?

L’idée centrale était de se rassembler, de se rencontrer en personne. Déjà, parce que libraire reste un métier assez solitaire. Donc il était important pour nous de réunir des libraires et éditeuricexs de tous horizons, d’autant plus que nous sommes proches de la France. L’occasion de construire un réseau fort avec des maisons d’éditions francophones de Suisse et d’ailleurs.

Notre envie était aussi d’encourager et de visibiliser la production des scènes locales, qu’elles soient militantes (en accueillant par exemple le Silure, Justice4Nzoy, ou encore le Collectif des Orchidées) ou artistiques de manière plus générale, à amener du contenu, au niveau de l’édition. Un autre enjeu a été de mélanger différents types de production, que ce soient des imprimés tissus, comme Article 15 (une marque panafricaine), des fanzines ou encore de la littérature jeunesse plus inclusive. 

Finalement, ce salon a aussi été l’occasion de faire rencontrer ces différents milieux avec un public plus large et de lever des fonds. Une caisse de soutien aux grèves qui ont lieu en ce moment en France a par exemple été amenée par les éditions Hécatombe (elle est toujours à disposition pour accueillir vos dons à la librairie La Dispersion) et une caisse de soutien pour Justice4Nzoy. 

Comment avez-vous procédé pour le choix des intervenantexs prenant part à l’événement ?

Avec 52 exposantexs au total, nous avions vraiment envie de faire pluriel. Pour les disperséexs, nous avons eu l’idée de faire la sélection de manière hybride : nous avons sélectionné une quarantaine d’exposantexs, puis nous avons lancé un appel ouvert à postulation. Cela nous a offert d’excellentes surprises et permis d’apporter plus de diversité à notre sélection de base.

Ce processus fait écho au travail de libraire en général : nous sommes toujours à l’affût de nouveaux bouquins et/ou projets éditoriaux à valoriser. Nous avons touché plusieurs subventions, ce qui nous a permis de défrayer les exposantexs. Cette participation à leurs frais nous tenait à cœur, car elle s’oppose aux pratiques habituelles dans le milieu des salons : en tant qu’exposantex, d’habitude, on doit payer pour avoir une table. Dans un milieu où les acteuricexs sont souvent précaires, c’était une manière de montrer qu’une rémunération plus juste est possible, même pour une première édition.

Ce choix fait aussi écho à la campagne Wages For Wages Against lancée en 2017 par Ramaya Tegegne, pour une plus juste rémunération des artistes visuels et de meilleures conditions de travail. Nous avons également prévu une cantine ouverte, avec des repas à prix libre, pour rendre le salon le plus accessible possible. Tous les ateliers étaient aussi en accès libre. 

Nous avons aussi prêté une attention particulière à l’élaboration d’un espace enfant. Il a été monté par une nouvelle association que j’ai co-fondée, 7/7 (comme les lavomatiques, parce que les enfants, il y en a partout 7 jours sur 7), dont le but est de valoriser de nouveaux récits engagés et la pensée critique auprès du jeune public. Une garderie était ouverte durant les après-midis, et un programme d’activités dédiées aux enfants était prévu, comme des lectures d’histoires plus inclusives pour enfants avec Belotie Nkashama de Beth Story, ou encore des sessions « Contes et maquillage » avec les drags Luigi & Moon. L’association 7/7 a aussi pu montrer sa bibliothèque ambulante, qui est dès à présent à disposition pour d’autres structures qui voudraient la louer pour leurs événements. 

Son but est de monter des espaces pour enfants dans les événements en général, pour inclure familles et enfants, ces derniers ayant souvent peu de place dans l’espace public en Suisse.

Ce salon s’est terminé il y a à peine un jour et demi (nda : lors de l’interview), quel est votre premier bilan à chaud ?

On a reçu une très belle reconnaissance de tout le monde, et on était super heureuxsexs de la très belle diversité du public qu’on a accueilli. Sans rire, ça fait plaisir de voir qu’on a de la force pour créer des espaces comme ça, malgré l’état actuel du monde. Ça fait plaisir de célébrer la joie et la vie, c’est un autre mode de lutte !

Avez-vous déjà une idée sur la suite ? Est-ce que vous souhaitez renouveler l’expérience ? 

Ce qui est sûr, c’est qu’on n’a pas envie de faire ça tous les ans, on n’a clairement pas les forces. On réfléchit plutôt à une biennale ou une triennale, même si nous avons déjà reçu plusieurs demandes pour la prochaine édition. Pour ma part, je vais investir pas mal de forces dans l’association 7/7 et sa visibilité. Nous avons prévu un cycle de podcasts l’année prochaine. Et nous voulons lancer un appel pour écrire des histoires et valoriser des récits engagés venant de tout type de personne, écrivainex ou pas. Il y aura aussi prochainement la fête des 10 ans de la Dispersion, ainsi que notre rendez-vous annuel de l’été début juillet, où nous invitons des auteuricexs, écrivainexs et autres artistes des scènes locales à venir vernir leurs projets.

Florent Blanc   Antoine Völki