Nzoy, ni oubli ni pardon

Il y a un an, un policier abattait un homme de 37 ans sur le quai de la gare de Morges. Il s’appelait Roger «Nzoy» Wilhelm et habitait Zurich. Nzoy n’est pas le premier, mais bien le quatrième homme noir à mourir entre les mains de la police vaudoise depuis 2016. 

Manifestation « Justice 4 Nzoy » à Zurich
Manifestation « Justice 4 Nzoy », Zurich, 3 septembre 2022

Le 30 août 2021, des passantes en gare de Morges s’inquiètent du comportement d’un homme sur le quai no 4. Craignant que l’homme ne se blesse, elles appellent la police. Deux voitures de patrouille se rendent sur place. À leur arrivée, Nzoy, visiblement déjà en proie à beaucoup d’émotions difficiles, avance rapidement vers les policiers, l’un d’entre eux ouvre le feu et l’abat de deux balles. Puis une troisième balle est tirée quand Nzoy, pourtant grièvement blessé, tente de se relever. Il décède peu après. La police affirme tout de suite qu’il souffrait de troubles psychiques et qu’il agressait les agents avec un couteau. 

Dans la foulée, les explications des médias font reposer ce drame sur la victime : celle-ci aurait été vue entrain de prier (soupçon de radicalisme), n’était-elle pas suicidaire et atteinte de troubles psychiques ? D’autres cherchent à savoir pourquoi un zurichois se baladait à Morges. L’on commente également la dangerosité de cette petite ville vaudoise en raison d’un meurtre commis précédement. Aucun média n’interroge la responsabilité des forces de l’ordre dans ce drame. Aucun média (sauf le Courrier) n’évoque le fait que Nzoy est un homme noir. 

La police ment quand elle assassine

D’emblée, la police ment. Dans un communiqué, publié le jour même, elle affirme qu’après avoir neutralisé la menace, ses agents ont directement appliqué les premiers secours à Nzoy, sans néanmoins réussir à le maintenir en vie. Pourtant plusieurs vidéos de témoins montrent que les policiers menottent et fouillent l’homme agonisant au sol et puis le laissent pendant cinq minutes avant qu’un témoin insistant ne tente un massage cardiaque jusqu’à que les secours arrivent, trop tard. Devant l’énormité du mensonge, la police fait évoluer sa version mais maintient que ses agents ont agi en légitime défense. A ce jour, ces policiers sont toujours en poste et l’institution n’a toujours pas repensé ses pratiques pour des situations semblables. 

Et pourtant, il y a matière à réflexion ! Comment se fait-il que face à une personne émotionnellement instable, un policier n’ait d’autre outil que son arme de service ? Comment se fait-il que ces dernières années se soient exclusivement des hommes noirs que la police tue ?

De son côté, la famille et les réseaux antiracistes exigent que la vérité soit faite sur la mort de Nzoy. Les dernières manifestations à Morges et à Zurich ont été des occasions de ne pas l’oublier. Retrouvons-nous le lundi 26 septembre pour la projection du film Frères (cf. ci-contre) ainsi que samedi 1er octobre lors de la discussions entre A. Ritterbusch, membre de Defund the police, et P. Bayenet, procureur, lors de notre Université d’automne à Lausanne !

Thomas Vachetta sur la base d’articles de Carlo Hanniman

Projection de FRÈRES d’Ugo Simon

Lundi 26 septembre, 20 h 30 au cinéma Spoutnik en écho aux manifestations « Justice pour Nzoy ». Projection organisée avec le Silure, suivie d’une discussion avec le cinéaste Ugo Simon, Angela (la sœur de Nzoy), Farid El Yamni et Inan Turkan (membre du comité Justice pour Ibo)

«Ce qui est difficile à accepter c’est que la personne a souffert, elle n’est plus là et elle ne peut plus parler. Et d’autres parlent à sa place, et ceux qui parlent à sa place, c’est ceux qui ont tué ou ceux qui vont couvrir ceux qui ont tué. (…) Et que si vous acceptez ça, en fait vous êtes aussi complices » – Farid El Yamni.

En France, la police a assassiné Wissam El Yamni le 1er janvier 2012 à Clermont-Ferrand, Gaye Camara le 16 janvier 2018 à Epinay-Sur-Seine, Ibrahima Bah le 6 octobre 2019 à Villiers-le-Bel. Wissam, Gaye et Ibrahima ont pour point commun d’être des personnes racisées. Et d’avoir été assassinés par la police.

Farid El Yamni, Mahamadou Camara et Diané Bah, quant à eux, ont pour point commun de s’être entièrement voués au militantisme après la mort de leur frère. Le film Frères d’Ugo Simon recueille leur parole. À l’ombre de l’effervescence des manifestations et rassemblements, les trois frères, à tour de rôle, font état de leur condition de « morts-­vivants ». Vivants car toujours debout, mais morts car une partie d’eux s’en est définitivement allée avec leur frère. Ainsi, quand la police tue, elle tue également l’entourage par ricochet. Ces frères et leur famille luttent pour continuer à exister, pour que justice soit faite, pour que le reste de la population dise « non », elle aussi. 

En Suisse, la police a assassiné Roger « Nzoy » Wilhelm le 30 août 2021 à Morges. Comme face aux autres crimes racistes commis par la police, l’appareil judiciaire a répondu par le déni, le mépris et le mensonge aux familles de Nzoy, Wissam, Ibo et Gaye.