Plainte contre la Suisse

Les Aînées suisses pour la protection du climat sont allées auprès de la Cour européenne des droits humains pour accuser la Suisse de ne pas assez les protéger.

Des personnes âgées manifestent pour le climat
Rassemblement de soutien devant la Cour, Strasbourg, 29 mars 2023.

Cette dynamique association de femmes âgées (73 ans en moyenne), soutenue par Greenpeace, se bat depuis 2015, date des Accords de Paris, pour obliger la Suisse à mettre en œuvre et appliquer des mesures de protection envers sa population contre les dangers sanitaires du réchauffement climatique. Il est prouvé que les personnes âgées représentent le groupe de population le plus fortement touché par l’augmentation des canicules. Ces femmes sont particulièrement conscientes qu’il faut agir aujourd’hui pour protéger les générations futures, qui leur tiennent à cœur, contre des effets encore pires. 

Délibérations à Strasbourg

Les Aînées avaient donc décidé de mener une action judiciaire et avaient déposé plainte contre la Confédération, pour son inaction climatique et son non-respect des Accords de Paris, devant plusieurs tribunaux suisses, dont le Tribunal fédéral, qui les avaient déboutées. Opiniâtres, elles ont finalement pu s’adresser à la Chambre européenne des droits humains à Strasbourg, qui a pris très au sérieux leur cause. 

Leur recours est la première action en justice dans laquelle cette haute juridiction se penche sur les impacts du réchauffement climatique sur les droits humains. 

Le 29 mars, défendues par une équipe d’avocat·e·s compétent·e·s, elles ont été reçues par la Grande Cour (cas rare) et entendues par 17 juges européen·ne·s. 

La Confédération avait aussi son staff d’avocat·e·s qui ont clamé que la Suisse, trop petit pays pour vraiment polluer la planète, avait au contraire une « politique ambitieuse » en matière d’environnement et que les plaignantes n’avaient pas de quoi se plaindre… 

Une partie tierce, l’État d’Irlande a soutenu fraternellement l’État suisse, alors que le Réseau européen des organisations pour les droits humains prenait fait et cause pour le mouvement des citoyennes. 

Les 17 juges sont resté·e·s impassibles, mais leurs questions pertinentes aux deux parties peuvent laisser espérer qu’iels ont bien compris les enjeux. Le verdict sera rendu ultérieurement. On augure cet automne. 

De nouveaux espoirs

Si le verdict s’avère favorable, cela représentera une jurisprudence des plus intéressantes pour les droits des humains et la lutte contre le réchauffement climatique dans tous les États du Conseil de l’Europe. Ce premier procès historique, très suivi par les médias et les facultés de droit, ouvre la voie à beaucoup d’autres. Bien que le recours à la voie juridique ait déjà été utilisé par différents mouvements sociaux pour secouer les inerties étatiques, c’est la première fois que la CEDH était saisie.

Solidaires, féministes, visibles

Le mouvement des Aînées suisses pour le climat est particulièrement intéressant par sa démarche novatrice dans la lutte pour la reconnaissance de la responsabilité des autorités / du gouvernement dans la crise climatique et par la convergence des luttes impliquées : climat, féminisme, contre l’âgisme.

  • Sa solidarité avec les jeunes qui ont lancé les grèves pour le climat et autres manifestations courageuses de désobéissance civile,
  • Son caractère féministe – original, humoristique, amical, horizontal – affirmant la force des femmes,
  • Sa visibilité médiatique, qui donne un coup à l’âgisme ambiant.

    Une des requérantes, trop fragile pour venir à Strasbourg, Marie-Eve Volkoff, déclarait dans Le Courrier du 6 mars : « Ce qui me plaît, c’est quand les petits pots de terre rassemblés contraignent un gros pot de fer à reculer ». Quoi de plus faible que des vieilles dames, très souvent méprisées et reléguées ? Ce sont pourtant elles qui attaquent en justice la Suisse et vont peut-être faire évoluer les politiques environnementales des Etats européens !

Maryelle Budry
L’une des quatre requérantes

ainees-climat.ch